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La Procureure générale près la Cour de Cassation, Ria Mortier, a centré sa mercuriale, lors de la rentrée judiciaire lundi, sur la nécessité d'un "dialogue constructif" entre les trois différents pouvoirs - législatif, exécutif et judiciaire - formant l'État belge, afin de maintenir un État de droit "fort et résilient". Elle a cité quelques exemples de ce qui apparaît pour elle des entraves à cet État de droit, notamment une "instrumentalisation excessive de la législation".
Si une forme de dialogue doit exister entre les trois pouvoirs, ceux-ci doivent bien entendu s'exercer indépendamment les uns des autres, a argumenté Ria Mortier. Or, on peut constater, a-t-elle dit, un dangereux glissement de la compétence législative du parlement vers le gouvernement. "En Belgique, mais également dans bon nombre de pays européens, le gouvernement prend plus souvent qu'avant l'initiative en matière de législation et de politique", a énoncé la haute magistrate. "La législation est perçue, en particulier par les responsables politiques animés d'une volonté d'exercer le pouvoir et de passer à l'action, comme un mécanisme de politique et de pilotage, comme un instrument permettant de réglementer des situations concrètes dans le laps de temps relativement court que représente une législature".
"Une action législative rapide et énergique est incontestablement utile lorsque la société est confrontée à une situation de crise", a-t-elle relevé, mais "cette approche instrumentale ne devrait cependant pas se généraliser, tant elle manque de respect à la loi et au législateur primaire. C'est un manque de respect envers la loi, parce que la législation a avant tout une fonction d'ordonnancement, qui ne vise pas seulement à intégrer les évolutions mais également à préserver l'ordre établi. Elle ne saurait donc se réduire à un simple instrument de politique", a-t-elle poursuivi face aux juges de la Cour et aux membres de son parquet, réunis en audience solennelle.