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Au-delà des "fantasmes" et des polémiques, plusieurs collèges et lycées publics d'Aubervilliers, aux portes de Paris, proposent depuis peu des cours de langue arabe à des élèves convaincus d'en faire "un plus" sur leur CV.
Quand le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer avait dit en septembre vouloir donner "du prestige" et "développer" cette "très grande langue littéraire", il avait été accusé par certains à droite et à l'extrême-droite de vouloir "faire entrer" l'islamisme à l'école.
A Aubervilliers, ville populaire de Seine-Saint-Denis, où six sections d'arabe ont ouvert en trois ans, la polémique semble loin.
"C'est une langue comme les autres", soutient Iness, 15 ans, qui y voit avant tout "un bonus" pour son avenir. Intéressée par le droit et le tourisme, elle veut se "perfectionner dans cette langue" qu'elle "entendait à la maison" auprès de sa mère qui a des origines algériennes.
"Dans la classe, c'est très mixte. Tous ne sont pas d'origine arabe", ajoute la frêle jeune fille, qui fait partie des 17 élèves de Seconde du lycée Le Corbusier ayant choisi l'option arabe, niveau débutant.
En 2017, la rue de Grenelle recensait quelque 11.000 élèves arabisants dans le secondaire (hors Mayotte). "C'est en augmentation, mais ça reste une langue à faible diffusion", explique Dounia Zebib, inspectrice régionale de l'Education nationale en Ile-de-France. A titre de comparaison, ils sont plus de 41.000 à apprendre le chinois, 12.000 le russe.
La discipline souffre encore de nombreux préjugés. Au-delà de ceux pour qui "langue arabe égale Daesh", l'histoire coloniale pèse aussi, déplore l'inspectrice. Ainsi que l'image d'une "langue d'origine" dont il faudrait "s'émanciper pour bien s'intégrer", comme cela a pu être le cas avec "les langues régionales" autrefois.
Des "fantasmes" bien loin de la réalité de l'enseignement dispensé en France. "Nous n'enseignons pas le dialecte d'un pays d'origine, mais l'arabe standard moderne. Une langue de culture et de communication, officielle dans 22 pays et qui offre des débouchés dans une aire culturelle immense", martèle la responsable.
- "La langue des enfants de bonne famille" -
"A Paris, l'arabe est vu comme une langue signifiant réussite", rappelle de son côté Ahmed Arhbal, professeur à Aubervilliers. "Il y a des sections d'arabe à Sciences Po, on l'enseigne à Polytechnique, dans les classes préparatoires aux grandes écoles...". "On trouve des traces de son enseignement depuis François 1er, ajoute-t-il, c'était la langue apprise par les enfants de bonne famille".
En Seine-Saint-Denis, département bien moins doté en sections internationales que l'ouest parisien, une telle offre reste "rare", souligne Wilfried Serisier, de la fédération de parents d'élèves FCPE.
Après la mise en place de cours d'italien ou de chinois, l'ouverture des sections d'arabe résulte d'une volonté "commune", explique-t-il. Celle de parents, du rectorat et des chefs d'établissements, soucieux de valoriser chez leurs élèves les "compétences plurilingues, facteur de réussite".
Assis au premier rang, Shiheb, 16 ans, en a bien conscience: "L'arabe sur le CV, ça donne un petit plus", dit le jeune homme, très au fait des opportunités dans le Golfe où "plein de pays se développent et ont besoin d'ingénieurs".
Au-delà de son CV, les cours lui ont aussi permis de se rapprocher de sa mère. D'origine libyenne, elle maîtrise mal le français. "Avant, on ne discutait pas des choses que j'avais vraiment envie de lui dire", glisse-t-il timidement.
Et ça ne marche pas qu'avec sa mère. Sur le dos de sa main, on distingue quelques lettres arabes tracées au feutre noir: "Le prénom d'une fille", rougit l'ado.