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Connues sous le nom de "Mères du samedi", des familles protestant contre la disparition de leurs proches dans les années 1980 et 1990 en Turquie ont marqué samedi leur millième semaine de veillée à Istanbul.
Des centaines de personnes, tenant des œillets et des photos de leurs proches disparus, ont participé à la veillée sur la place Galatasaray, au centre d'Istanbul, sans intervention de la police.
Les "Mères du samedi" (Cumartesi Anneleri, en turc) ont commencé à se réunir le 27 mai 1995 à Istanbul, demandant justice pour leurs proches portés disparus, souvent lorsqu'ils étaient en garde à vue, dans l'une des périodes les plus troubles de l'histoire de la Turquie moderne.
De nombreux membres ou sympathisants des partis politiques pro-kurdes ou de gauche ont disparu prétendument aux mains de l'Etat dans les années 1980 et 1990.
Hanim Tosun tente depuis 29 ans de connaître le sort de son mari, Fehmi Tosun, disparu en 1995 à Istanbul après avoir été embarqué, prétendument par des forces de l'ordre habillées en civil, dans une voiture.
"L'Etat devrait nous indiquer une pierre tombale où nous pourrons déposer ces œillets. Nous nous réunissons sur cette place pour que personne ne souffre comme nous", a-t-elle affirmé à l'AFP. "Nous poursuivrons notre lutte jusqu'à ce que les responsables soient traduits en justice".
"Notre mère a passé sa vie à chercher Cemil et est morte avant de pouvoir le retrouver", a déploré Mikail Kirbayir, frère de Cemil Kirbayir, disparu en garde à vue en 1980. "Je ne cesserai de poser des questions sur le sort de Cemil, jusqu'à mon dernier souffle".
Après une violente répression de la police, la manifestation des Mères du samedi avait pour la première fois été interdite en 1999.
Grâce à une réformes de démocratisation alors en vigueur, la veillée a pu reprendre en 2009, mais a été de nouveau interdite en 2018, suivant le durcissement du pouvoir après la tentative du coup d'Etat de 2016 contre le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Autorisée de nouveau en 2023, la veillée a cependant été limitée par la police au maximum à dix participants, une restriction dénoncée par des défenseurs des droits de l'Hommme comme une entrave au droit de manifester de manière pacifique.
"Aujourd'hui, c'est la millième semaine. Nous devons la reprise de notre veillée à des actions de désobéissance civile menées sans allégeance", a estimé Eren Keskin, co-présidente de l'Association des droits de l'Homme qui défend de longue date les Mères du samedi.
"J'espère que cet acquis permettra d'étendre la démocratisation à l'ensemble du pays".