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Taïwan ou Chine, regards contradictoires de part et d'autre du détroit

Des rivages de l'île taïwanaise de Kinmen, des touristes prennent en photo à l'horizon la mégapole chinoise de Xiamen, clairement visible de l'autre côté de l'étroit détroit qui les sépare.

Pour avoir la meilleure vue sur les gratte-ciel qui étincèlent la nuit, les visiteurs se massent sur une plage d'où jaillissent des pics anti-débarquement rappelant l'époque où Kinmen constituait une ligne de front après la fuite en 1949 des nationalistes à Taïwan.

Un territoire que Pékin considère toujours comme un des siens, 75 ans plus tard.

Le comté de Kinmen, administré par Taipei, n'est qu'à cinq kilomètres du continent chinois, contre environ 200 kilomètres pour l'île principale de Taïwan.

A l'aube de l'investiture lundi de Lai Ching-te, un fervent défenseur de la souveraineté de Taïwan, les touristes taïwanais en déplacement à Kinmen espèrent que leur futur dirigeant pourra éviter un conflit.

"Nous ne demandons pas grand-chose mais nous espérons avoir des relations pacifiques", a déclaré samedi à l'AFP Huang Yue-e, une femme de 78 ans qui visitait un marché sur cette petite île, célèbre pour ses temples et ses maisons traditionnelles en briques.

- "Garder nos distances" -

Avec en toile de fond la rupture de plus en plus profonde entre la Chine et Taïwan, Pékin accroît la pression militaire sur Taipei.

Le 9 mai, une flotte chinoise de douze navires a été détectée autour de Kinmen par les Taïwanais.

M. Lai, qui se décrit comme un "militant pragmatique de l'indépendance", a récemment modéré ses propos.

A l'approche de son investiture, il s'est dit ouvert à une reprise des communications avec la Chine, que Pékin avait rompues après que la présidente sortante Tsai Ing-wen avait pris ses fonctions en 2016.

Chuang Cheng-tin, un ouvrier du bâtiment à Taichung, dans le centre de Taïwan, venu faire du tourisme estime qu'il serait préférable pour Taipei de "garder une certaine distance" avec Pékin.

"Nous avons des systèmes différents, donc il y aurait des conflits si nous étions trop proches" et "nous devons garder nos distances, être armés, afin de faire contrepoids, confie M. Chuang en se promenant dans les rues de Kinmen.

Sur l'île verdoyante de Pingtan, dans la province chinoise de Fujian (est), des centaines de touristes se rassemblent eux aussi sur un site en bord de mer, qui est l'endroit de Chine continentale le plus proche de Taïwan.

Mais Pingtan se trouve trop loin (environ 125 kilomètres) de l'île principale de Taïwan pour que les visiteurs puissent la voir à l'oeil nu.

- "Réunification pacifique" -

Malgré tout, certains prennent la pose devant des sculptures dont l'une représente ensemble la géographie des deux rives, célébration nostalgique d'une époque où elles faisaient partie du même Etat.

Le site se veut le symbole des liens historiques entre les deux entités, la grande majorité des 23 millions d'habitants de Taïwan ayant des ancêtres originaires du continent.

"Les Chinois du continent ont besoin d'un permis pour aller à Taïwan et il est difficile d'en obtenir un", explique à l'AFP Wang Lei, un étudiant de 25 ans qui se prend en selfie devant une grande sculpture en granit représentant les contours d'une carte postale, avec la mer en arrière-plan.

Jack Wang, un autre touriste, a une opinion tranchée sur le futur président de Taïwan Lai Ching-te, qu'il considère comme "l'ordure de la nation chinoise" car il "promeut la séparation" alors que "nous aspirons à une réunification pacifique".

"Comme le disait l'ancien dirigeant chinois Mao Zedong, nous ne pouvons pas renoncer à l'usage de la force si cela s'avère nécessaire" et "les Taïwanais aspirent eux aussi à la réunification avec le continent", ajoute ce trentenaire qui travaille dans le commerce international.

Selon un sondage réalisé en 2023 par l'université nationale Chengchi de Taipei, 90% des Taïwanais souhaitent le maintien du statu quo et moins de 2% d'entre eux se déclarent favorables à une unification dès que possible.

"Lai Ching-te ? Honnêtement, nous ne nous intéressons pas vraiment à la politique taïwanaise", lance à l'AFP Zhou Yongping, un touriste de 54 ans qui se montre indifférent à la situation, venu ici "pour visiter, boire et manger".

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