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Sur la route de l'aéroport de Nouméa, "une fois qu'ils sont passés, on a remis le barrage"

Sur la route stratégique reliant Nouméa à son aéroport international, Jean-Charles a vu passer dimanche le convoi de 600 gendarmes venu disloquer, l'un après l'autre, les amoncellements de véhicules brûlés. Sans s'en émouvoir. "Une fois qu'ils sont passés, on a remis le barrage", glisse le militant indépendantiste.

L'opération, "globale, massive", comme l'a décrite le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie Louis Le Franc, a été lancée dimanche "au lever du jour", après une semaine de violences inédites depuis 40 ans, sur fond de réforme électorale contestée par les indépendantistes.

Pendant "toute la journée", les véhicules blindés et engins de chantiers partis de Nouméa ont avancé, "progressivement", pour "percer" les barrages érigés sur cet axe. "Soixante-seize" en tout, a précisé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

Jean-Charles, la cinquantaine, tête enturbannée d'un foulard et drapeau indépendantiste à la main, les a vu arriver à La Tamoa, à quelques kilomètres de l'aéroport de La Tontouta.

"Ils sont passés, ils ont déblayé, et nous on est resté sur le côté. On est pacifistes, nous".

"Après, une fois qu'ils sont passés, on a remis le barrage. De toute façon, il est filtrant. Depuis lundi que nous sommes là, ça a toujours été un barrage filtrant. Sauf la nuit quand il y a le couvre-feu de 18 heures à 6 heures, là on ferme la route", poursuit-il.

Sur le bas-côté, un camp de vie a été improvisé. De l'anguille cuit dans une marmite posée sur un feu de bois. Aux visiteurs, on propose aussi du café, de l'eau.

Comme d'autres militants répondant aux appels de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT, dans le viseur des autorités qui l'accuse de commanditer les violences), ils ont improvisé, avec des carcasses de voitures, des grillages et branchages, des chicanes pour alterner la circulation et inspecter les habitacles: en journée, le passage est libre, mais gare à qui transporterait une arme.

Dans un point-presse dimanche vers 18H00 (09H00 à Paris), le haut-commissaire a assuré que l'opération des autorités avait "permis de reprendre" l'axe menant à l'aéroport.

- "Tenir" -

Sans "résistance", hormis quelques jets de pierre et prises à partie, a précisé M. Le Franc. "Je pense que quand ils ont vu la force de 600 gendarmes (...), ils n'ont pas essayé de s'y frotter".

"Le plus difficile", a-t-il poursuivi, "a été d'ouvrir ces barrages", constitués d'épaves de véhicules, de ferraille, et de bois brûlés, certains "piégés" de bonbonnes de gaz. Une quinzaine ont été disloqués.

Sur la route, l'AFP a vu des engins de chantier dégager, sous surveillance des forces de l'ordre, des voitures brûlées.

Les opérations de nettoyage vont durer plusieurs jours, a précisé le haut-commissaire, assurant que les forces de l'ordre allaient entre-temps "tenir" les barrages pour éviter qu'ils ne soient reconstitués, évoquant des "actions de harcèlement" du GIGN sur "les points les plus sensibles" de l'axe routier.

Les journalistes de l'AFP partis en voiture de Nouméa ont réussi à rejoindre l'aéroport de La Tontouta dans l'après-midi, mais ont dû s'arrêter à de nombreux barrages filtrants, déjà reconstitués, dont certains tenus par des hommes munis de bâtons ou d'armes blanches.

L'un d'entre eux, à La Tamoa, a dit son intention de rester coûte que coûte: "On est prêt à aller jusqu'au bout, sinon à quoi bon?".

L'accès était encore complètement bloqué à certains endroits, comme près de Dumbéa où des jeunes encagoulés munis de drapeaux indépendantistes bloquaient le passage - sans agressivité.

Depuis son barrage filtrant, Jean-Charles confie son inquiétude, alors que les violences ont fait six morts en six jours et que les dégradations se poursuivent.

"Ici, on encadre les jeunes (...). Il n'y a pas d'alcool sur le site. Mais en ville, c'est autre chose...", dit-il, espérant que "les politiques se mettent autour de la table".

Sur le barrage, des hommes et des femmes de tous âge, dans leur grande majorité Kanak. Mais Ricky, originaire de Wallis-et-Futuna, les a rejoints. "Moi, je comprends la lutte du peuple kanak, c'est une question de reconnaissance de leur identité, c'est tout", lâche-t-il.

"Il faut juste reconnaître qu'ici, c'est d'abord chez eux. Il faut le dire, et ça ira bien".

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