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Le ministre de la Défense indonésien Prabowo Subianto, apparaît bien placé jeudi pour prendre en octobre les commandes de la première économie d'Asie du Sud-Est au lendemain de l'élection présidentielle, même si ses rivaux n'ont pas encore reconnu leur défaite.
L'ancien général au passé militaire controversé, candidat pour la 3e fois dans ce pays de 278 millions d'habitants, possède une large avance sur ses deux adversaires dès le premier tour de mercredi, selon les projections, ce qui devrait lui permettre d'obtenir la majorité absolue et d'être déclaré vainqueur sans passer par un second tour.
Selon le décompte officiel partiel de la commission électorale, Prabowo recueille 57% des voix, sur 43,5% des bulletins dépouillés, soit plus du double de son plus proche rival Anies Baswedan. Les résultats officiels ne sont pas attendus avant mars.
"Cette victoire devrait être une victoire pour tous les Indonésiens", a déclaré mercredi Prabowo, promettant de former un gouvernement "composé des meilleurs fils et filles d'Indonésie".
Le président sortant Joko Widodo l'a rencontré et lui a adressé ses "félicitations".
Bien qu'accusé d'atteintes aux droits humains sous la dictature de Suharto (1967-1998), Prabowo devrait donc prendre les rênes de la 3e plus grande démocratie au monde, après dix ans de pouvoir de Joko Widodo, surnommé Jokowi, qui ne pouvait plus se représenter après deux mandats.
Le ministre de la Défense devance largement, dans l'ordre, Anies Baswedan, ancien gouverneur de Jakarta, et Ganjar Pranowo, ex-gouverneur de Java centre.
"Nous attendons que le décompte de la Commission électorale soit terminé", a réagi Anies Baswedan, ajoutant qu'il fallait "respecter la décision du peuple". Le camp de Ganjar Pranowo a dénoncé des fraudes "structurées, systématiques et massives" lors des élections, selon un porte-parole, sans fournir de preuves.
Mais selon des analystes, la victoire de Prabowo est quasiment assurée.
"C'est fini pour Anies et Ganjar", a ainsi estimé Adrian Vickers, professeur à l'Université de Sydney.
Pour Ambang Priyonnggo, analyste politique à l'université Nusantara de Tangerang, Prabowo "poursuivra sûrement ce que Jokowi a fait", en particulier le transfert de la capitale à Nusantara, sur l'île de Bornéo. "Il y a un intérêt politique et économique lié au projet".
Jokowi laissera en octobre une économie sortie relativement indemne de la pandémie de Covid-19 et qui a encore connu en 2023 une croissance de 5,05%, contre 5,3% en 2022. Prabowo s'est engagé à poursuivre le programme de développement et de construction d'infrastructures de Jokowi, promettant "la prospérité pour tous".
- Image adoucie -
A l'époque chef des forces spéciales, Prabowo Subianto a été accusé par des ONG et par ses anciens responsables d'avoir ordonné l'enlèvement de militants pro-démocratie dans les années 1990, vers la fin du régime de Suharto. Il a rejeté ces accusations et n'a jamais été poursuivi.
L'ex-militaire a été longtemps privé de visa par les Etats-Unis et l'Australie pour ces allégations.
Mais grâce à une large présence sur les réseaux sociaux, l'homme, dépeint désormais par son équipe de campagne comme un "grand-père sympa", a adouci son image auprès des jeunes Indonésiens qui ignorent souvent les accusations portées contre lui et apprécient son engagement à poursuivre la politique du très populaire Jokowi.
Le ministre de la Défense a aussi largement profité pour sa campagne de la présence à ses côtés de Gibran Rakabuming Raka, 36 ans, fils aîné de Jokowi, candidat à la vice-présidence.
Légalement trop jeune, Gibran n'a pu se présenter qu'à la suite d'une décision controversée de la Cour constitutionnelle, adoptée grâce au vote décisif du président de la cour, Anwar Usman, beau-frère de Joko Widodo.
Des ONG et universitaires ont critiqué le chef de l'Etat sortant pour ce qui est perçu comme une violation du droit pour faire élire son fils et l'ont accusé d'avoir utilisé les ressources de l'Etat pour tenter d'influencer l'élection en faveur de son ministre.
Les États-Unis ont félicité les Indonésiens pour leur "forte participation" à l'élection, sans mentionner Prabowo Subianto.
La ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, a déclaré jeudi que Canberra était "impatiente de travailler en étroite collaboration avec le prochain président" lors de son investiture en octobre.
Pour sa part, Prabowo a déclaré sur Instagram qu'au moins cinq personnalités politiques, dont le Premier ministre australien Anthony Albanese, lui avaient téléphoné après la publication des premiers résultats du scrutin.
À côté d'une photo de lui, téléphone à l'oreille, Prabowo a déclaré que les Premiers ministres malaisien et sri-lankais Anwar Ibrahim et Ranil Wickremesinghe l'avaient également appelé.
Le Premier ministre de Singapour, Lee Hsien Loong, a appelé Prabowo pour saluer une "solide performance" et discuter des relations bilatérales, selon un communiqué singapourien publié jeudi.
En revanche, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a fait état de ses préoccupations et appelé Prabowo Subianto à être transparent sur son histoire. "Cela vaut à la fois pour les questions actuelles liées aux droits de l'homme ainsi que pour la responsabilité et la justice pour le passé", a déclaré Phil Robertson, directeur adjoint de HRW pour l'Asie.