Partager:
C'est un Joe Biden "canard boiteux" qui reviendra mardi à la Maison Blanche après s'être confiné dans sa résidence de bord de mer en raison du Covid. Il risque d'apparaître diminué jusqu'à la fin de son mandat, mais gardera néanmoins de l'influence.
Le démocrate de 81 ans, malgré l'humiliation d'avoir dû abandonner la campagne électorale, jouera un rôle dans le succès de celle de sa vice-présidente, Kamala Harris, et pourra faire pression pour résoudre des questions clés de politique étrangère.
Tous les présidents américains qui quittent leurs fonctions sont confrontés à une période de flottement entre le jour de l'élection, en novembre, et celui de l'investiture, en janvier: c'est la période dite du "canard boiteux", "lame duck" en anglais.
Pour Joe Biden, cependant, s'ouvre une période inhabituellement longue d'ici à janvier, au cours de laquelle électeurs, hommes politiques et dirigeants étrangers auront les yeux rivés vers l'après, plutôt que sur lui.
Encore du pouvoir
Et pourtant, l'engagement qu'il a pris dimanche dans sa lettre de démission, de "se concentrer uniquement sur l'accomplissement de (ses) devoirs de président jusqu'à la fin de (son) mandat", n'est pas forcément vide de sens.
"Il me reste six mois de présidence et je suis déterminé à faire le plus de choses possibles, tant sur la scène étrangère que nationale", a-t-il encore déclaré lundi, mentionnant ses principales batailles politiques: réduction de l'inflation, lutte contre la prolifération des armes à feu, baisse du coût des médicaments, questions climatiques.
Il peut aussi encore nommer des juges qui resteront potentiellement en place pendant des décennies, un levier de pouvoir clé dans un pays profondément polarisé où le pouvoir judiciaire, de plus en plus politisé, tranche les grandes questions de société comme l'avortement.
Ainsi, Joe Biden n'est "pas tout à fait un canard boiteux. C'est un canard blessé", nuance Peter Loge, de l'université George Washington, interrogé par l'AFP. Mais dans ce contexte, "il a un vrai intérêt à finir fort, pour que (Kamala) Harris puisse paraître solide jusqu'en novembre" et affronter Donald Trump, estime encore le spécialiste.
Affaires étrangères
Avec les guerres qui font rage à Gaza et en Ukraine, "je m'attends à ce que (Joe) Biden se concentre sur les affaires étrangères" pour ses dernières semaines dans le Bureau ovale, note auprès de l'AFP David Karol, professeur à l'université du Maryland.
"Certains présidents ont pris des mesures importantes en matière de politique étrangère lors de la phase du +canard boiteux+", souligne-t-il, citant notamment la décision de George Bush père de mettre fin à l'envoi de troupes américaines en Somalie dans les derniers jours de son unique mandat.
Un cessez-le-feu à Gaza serait utile à la candidature de Kamala Harris
Joe Biden pourrait jouer de son statut de "canard boiteux" au cours de la visite à Washington cette semaine du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu -- s'il est guéri du Covid. Les deux dirigeants, dont la rencontre est attendue jeudi, ont eu des relations tendues à propos de la conduite de la guerre par M. Netanyahu.
"Je travaillerai en très étroite collaboration avec les Israéliens et les Palestiniens pour essayer de trouver une façon de mettre fin à la guerre à Gaza", a d'ailleurs déclaré le démocrate lundi.
David Karol pointe ainsi qu'un cessez-le-feu à Gaza, qu'Israël bombarde depuis les attaques du Hamas du 7 octobre, serait "utile" à la candidature de Kamala Harris "car cette question s'est révélée être une source de division au sein du parti démocrate".
Joe Biden pourrait aussi chercher à garantir le programme d'aide de plusieurs milliards de dollars destiné à aider l'Ukraine à lutter contre la Russie, craignant que Donald Trump, s'il est élu, ne l'abandonne.
Le dernier pouvoir qu'un président sortant peut exercer est potentiellement le plus important, mais aussi le plus controversé: la grâce présidentielle.
Le fils du démocrate, Hunter Biden, 54 ans, a été condamné en juin pour avoir menti sur sa toxicomanie lors de l'achat d'une arme de poing et risque jusqu'à 25 ans de prison. Le président s'est engagé à ne pas le gracier ni à commuer sa peine. Mais, dans une course électorale sans précédent dans l'histoire moderne des Etats-Unis, tout est possible.