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L'ex-Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif apparaît mercredi sur le point de revenir au pouvoir, après un accord de coalition entre les partis issus des deux grandes dynasties politiques du pays qui écarte les partisans de l'ancien dirigeant emprisonné Imran Khan.
Les candidats soutenus par le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) d'Imran Khan avaient obtenu le plus grand nombre de sièges à l'Assemblée nationale aux élections législatives du 8 février. Mais à la suite de cet accord, ils se trouvent désormais exclus du pouvoir.
Cette alliance entre la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de Nawaz Sharif et le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Bilawal Bhutto Zardari met fin à deux semaines de négociations.
Les deux partis "ont atteint le nombre requis" de sièges "et nous formerons un gouvernement", a déclaré Bilawal Bhutto Zardari lors d'une conférence de presse à Islamabad mardi soir.
Selon cet accord, la PML-N, arrivée en deuxième position, proposera Shehbaz Sharif, Premier ministre de 2022 à 2023, au poste de chef du gouvernement. Et l'ancien président Asif Ali Zardari (2008-2013), époux de l'ancienne Première ministre assassinée Benazir Bhutto, a été désigné par le PPP candidat commun à la présidence.
"Nous espérons que Shehbaz Sharif deviendra bientôt le Premier ministre du pays et tout le Pakistan devrait prier pour que le gouvernement soit couronné de succès", a lancé Bilawal Bhutto Zardari, fils d'Asif Ali Zardari et Benazir Bhutto.
Shehbaz Sharif a souligné la difficile situation économique du pays. "Soixante-seize ans après (l'indépendance), nous nous retrouvons dépendants des emprunts (...) Nous sommes confrontés à des défis considérables", a-t-il reconnu, affirmant: "Nous devons sortir le Pakistan de ces difficultés".
- "Voleurs de mandat" -
Les deux partis se sont aussi accordés sur les portefeuilles ministériels, qui devraient être annoncés dans les prochains jours.
Les députés élus doivent siéger pour la première fois le 29 février, trois semaines après le scrutin, date à laquelle la coalition doit être approuvée.
"Etablir un gouvernement (de coalition) ne s'est pas révélé bénéfique par le passé", observe Saeed Asmat, un retraité de 67 ans à Islamabad, en rappelant combien la forte inflation avait assombri le précédent mandat de Shehbaz Sharif.
De nombreuses allégations de manipulation ont terni les élections du 8 février, avec un réseau de téléphonie mobile suspendu le jour du scrutin et un dépouillement qui a pris plus de 24 heures.
Le parti d'Imran Khan, qui a dénoncé des fraudes massives, affirmait avoir remporté suffisamment de sièges pour gouverner.
Le PTI s'est élevé mercredi contre l'accord de coalition, qualifiant les partis rivaux de "voleurs de mandat".
"Le PML-N et le Parti du peuple méritent des éloges pour leur parcours épique de 30 ans, du vol de l'argent des contribuables au vol d'élections ensemble", a déclaré le parti sur le réseau social X.
- Accord avec le FMI -
Ces partis s'étaient déjà associés en 2022 pour évincer Imran Khan du pouvoir, avec un vote de censure, puis avaient formé une coalition jusqu'à la dissolution de l'Assemblée nationale en août.
Sous ce gouvernement, le Pakistan, profondément endetté, avait frôlé le défaut de paiement, n'évitant le pire que grâce à un nouveau renflouement du Fonds monétaire international (FMI).
"La coalition est la meilleure (solution) possible dans les circonstances actuelles", a toutefois estimé Awais Ashraf, du cabinet de conseil financier Akseer Research, à Karachi.
L'une des premières tâches du futur gouvernement sera de négocier dès avril un nouvel accord financier avec le FMI et, avec son expérience passée, la coalition devrait être capable d'y parvenir "sans problème", a-t-il jugé.
Le frère de Shehbaz Sharif, Nawaz, déjà Premier ministre à trois reprises, est revenu d'exil au Pakistan pour diriger la campagne électorale, mais n'a pas réussi à obtenir la majorité, malgré les attentes. Les analystes considèrent que la PML-N a bénéficié du soutien clé de l'armée pakistanaise.
Imran Khan, ancienne légende du cricket, est, lui, emprisonné depuis août, condamné à de longues peines pour corruption, trahison et mariage illégal. Déclaré inéligible avant les législatives, il dénonce ces accusations comme purement politiques et destinées à l'écarter du pouvoir.
L'homme politique toujours très populaire avait été porté au pouvoir en 2018 par un électorat jeune, lassé de la politique dynastique du PML-N et du PPP, apparemment avec la bénédiction des généraux. Mais sa brouille avec l'armée, selon les analystes, a précipité sa chute.
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