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De la multiplication des pizzas aux larmes des statues, le Vatican a mis à jour vendredi ses règles concernant les événements surnaturels, en reconnaissant que l'imagination débordante et le "mensonge" risquaient de nuire aux fidèles.
Les nouvelles normes, publiées par le puissant dicastère (équivalent d'un ministère) du Saint-Siège pour la Doctrine de la foi et approuvées par le pape François, privilégient une interprétation plus "prudente" de manifestations inexpliquées.
"Dans certaines circonstances, tout n'est pas noir ou blanc", a plaidé le cardinal Victor Manuel Fernandez, qui dirige le dicastère, lors d'une conférence de presse. "Parfois, une possible manifestation divine se mêle (...) à des pensées et des fantaisies humaines".
L'histoire de l'Église catholique est jalonnée d'épisodes de phénomènes étranges ou inexpliqués impliquant des statues religieuses (les Vierges en larmes), d'autres artefacts ou des témoignages d'apparitions.
Les nouvelles directives interviennent deux mois après que l'Église a déclaré qu'une série de miracles attribués à une statuette de la Vierge Marie, notamment celui de faire grossir une pizza, étaient faux.
Ces règles, actualisées pour la première fois depuis 1978, apportent d'indispensables outils aux évêques qui, jusqu'à présent, ont été laissés relativement libres de déterminer l'authenticité de ces visions au cas par cas.
Seuls six cas d'événements surnaturels présumés ont été "officiellement résolus" par le Vatican depuis 1950, selon le document.
"Aujourd'hui, nous sommes convaincus qu'il faut toujours éviter ces situations compliquées, qui produisent de la confusion chez les fidèles", a écrit M. Fernandez.
Les nouvelles règles appellent à une plus grande collaboration entre les différents diocèses et le Vatican concernant ces événements.
Les décisions finales des évêques seront soumises à l'approbation du dicastère.
Ce point est crucial car les déclarations ou manifestations de phénomènes mystérieux peuvent être liés à "des crimes, des manipulations de personnes, des atteintes à l'unité de l'Église, des gains financiers indus, de graves erreurs doctrinales, etc., qui pourraient faire scandale et porter atteinte à la crédibilité de l'Église", indique le document.
Il s'agit notamment des croyants "entraînés derrière un événement, attribué à une initiative divine, mais qui n'est que le fruit de la fantaisie, du désir de nouveauté, de la mythomanie ou de la tendance à la falsification".
En l'absence de problèmes, les diocèses pourront déclarer un "Nihil Obstat", indiquant que rien, dans le phénomène rapporté, n'est contraire à la foi et à la morale.
Les fidèles peuvent donc "adhérer" à l'idée qu'il s'agit d'un phénomène surnaturel, mais il ne s'agit pas d'une déclaration officielle d'authenticité, qui est généralement à éviter en vertu des nouvelles règles, à moins que le pape ne l'autorise.
- Pizza -
Selon M. Fernandez, la plupart des grands sites de pèlerinage de l'Église se sont développés au fil des ans sans déclaration officielle sur l'authenticité du miracle originel.
Mais dans les cas les plus graves, pour éviter toute confusion ou scandale, le dicastère demandera à l'évêque local de déclarer publiquement que la croyance dans le phénomène n'est pas autorisée, et d'expliquer les raisons de cette décision.
L'Église, souligne le dicastère, doit réagir plus rapidement car ces phénomènes "prennent des proportions nationales et même mondiales" en raison de leur diffusion sur les réseaux sociaux.
Les facteurs à prendre en compte sont "la possibilité d'erreurs doctrinales, une simplification excessive du message de l'Évangile ou la propagation d'une mentalité sectaire".
D'autres facteurs incluent les croyants "induits en erreur par un événement attribué à une initiative divine mais qui n'est que le produit de l'imagination de quelqu'un" ou de personnes enclines au "mensonge".
Selon le cardinal Fernandez, il est impossible de connaître le nombre d'événements surnaturels qui se produiraient chaque année, car la plupart sont gérés par les diocèses.
Le diocèse italien de Civita Castellana, près de Rome, a dû récemment se prononcer sur le cas d'une voyante autoproclamée, qui avait déjà été condamnée pour faillite frauduleuse, et affirmait que sa statuette de la Vierge Marie pleurait des larmes de sang et multipliait la taille d'une pizza.
En mars, le diocèse a dit que les miracles présumés de la statuette n'étaient pas "surnaturels".