Partager:
"Je suis mentalement épuisée par les nouvelles inquiétantes, par l'attente, par l'inconnu", raconte Nour al-Farah, 56 ans, habitante de Rafah, localité sur laquelle plane le spectre d'un opération militaire israélienne annoncée.
Sept mois de bombardements et de combats dans la bande de Gaza ont poussé plus d'un million de Palestiniens vers cette localité à la lisière sud du territoire, où s'entassent désormais environ 1,5 million de personnes - habitants et déplacés - selon l'ONU, soit plus de la moitié de la population du territoire palestinien.
Malgré l'opposition affichée des capitales et organisations internationales qui craignent un carnage parmi les civils, le gouvernement israélien martèle son intention d'attaquer la ville, pour y anéantir dit-il, les ultimes bataillons du mouvement islamiste Hamas, faisant vivre habitants et déplacés dans "une terreur constante".
"Nous ne savons pas ce qui va se passer et quand", explique Nour al-Farah, convaincue qu'elle devra évacuer la ville prochainement: "c'est pourquoi j'ai préparé des vêtements, des objets personnels et des documents officiels, du gaz et du bois de chauffage", ainsi que des aliments de base.
Pour Qassim Abou Nahl, "chaque jour amène son lot de nouvelles perturbantes" qui "sèment la confusion". "On ne sait pas si on sera saufs demain ou non", explique cet homme de 40 ans.
- Nouvelle angoisse -
Intisar Ramadan Ghaban, elle, "craint le jour où ils (les Israéliens) vont nous dire de partir. Jusqu'à aujourd'hui nous ne savons pas où nous irons".
"Vont-ils nous avertir à l'avance? Ou devrons-nous partir dans l'urgence, sans rien comprendre, sans rien emporter d'autre que nous? Cela se fera-t-il sous d'intenses bombardements? On n'en a aucune idée", s'inquiète cette femme de 61 ans dans une interview à l'AFP.
Avec les bombardements et l'incertitude quotidienne, "la peur prend le dessus et on n'arrive plus à réfléchir", raconte Nida'a Safi, 30 ans.
Cette "terreur constante de l'invasion de Rafah et de devoir repartir, au point d'y penser toute la journée", l'ont décidée, elle, son mari et ses enfants, à prendre les devants. "Fuir Rafah avant qu'ils nous tuent", dit-elle, pour trouver un énième refuge à Deir Balah, dans le centre de la bande de Gaza où une correspondante de l'AFP l'a jointe par téléphone.
Mais, malgré les terribles conditions de vie, les tentes surchauffées, les serpents et les bombes, l'idée de devoir partir une fois encore, sans véritablement savoir où aller, est une nouvelle angoisse pour de nombreux Palestiniens à Rafah, déjà poussés maintes fois sur les routes par les combats depuis le 7 octobre.
- "Nulle part où aller" -
Ce jour-là les commandos du Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, ont mené une attaque sans précédent dans le sud d'Israël qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël a juré d'anéantir le mouvement palestinien et lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, laquelle a déjà fait 34.388 morts, majoritairement des civils, selon le Hamas.
Intisar Ramadan Ghaban l'affirme: pour elle, une nouvelle fuite serait "une nouvelle mort".
"Un nouveau déplacement c'est insupportable, c'est très difficile, chaque fois cela amène de nouvelles souffrances", abonde Qassim Abou Nahl, pour qui Rafah est la cinquième étape de son errance du nord au sud de la bande de Gaza au gré des bombardements et des combats.
Même sentiment chez Samah Deeb: "l'idée d'être à nouveau déplacée me terrifie à l'extrême, j'ai déjà fui tant de fois" depuis le 7 octobre, raconte cette femme de 32 ans. Devoir "transporter tous nos biens et les nouvelles dépenses que cela va engendrer, tout cela m'est insupportable".
Mais, admet-elle, "au moment où ils nous diront d'évacuer Rafah, nous partirons comme les autres". Alors "on prie Dieu qu'ils n'envahissent pas Rafah et nous forcent à revivre le supplice du déplacement".
Samah Deeb décrit la situation à Rafah comme de plus en plus dure et "inquiétante car il y a des bombardements partout".
"A Rafah, on n'est en sûreté nulle part et hors de Rafah, on n'a nulle part où aller", résume-t-elle.