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Les premiers pas d'Ahmad al-Chareh sont scrutés de près et un détail n'a pas échappé à l'oeil des caméras : lors de sa rencontre avec la cheffe de la diplomatie allemande, le dirigeant islamiste n'a pas voulu lui serrer la main.
Les chefs de la diplomatie française et allemande ont plaidé pour une transition pacifique et inclusive en Syrie où ils ont rencontré vendredi le nouveau dirigeant du pays, l'islamiste Ahmad al-Chareh.
Un détail a cependant été remarqué lors de cette rencontre : Ahmad al-Chareh, nouveau dirigeant syrien, n'a pas serré la main d'Annalena Baerbock, cheffe de la diplomatie allemande, contrairement à celle de Jean-Noël Barrot, son homologue français.
La réunion était la première à ce niveau entre des responsables des grandes puissances occidentales et Ahmad al-Chareh, qui a pris les rênes du pays le 8 décembre, après la fuite du président Bachar al-Assad, au pouvoir depuis plus de 20 ans. Jean-Noël Barrot et Annalena Baerbock, dont la visite intervient sous mandat de l'Union européenne, se sont réunis avec lui dans le palais présidentiel surplombant Damas.
Les premiers pas d'Ahmad al-Chareh, chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui conduisait la coalition s'étant emparée de Damas, sont scrutés avec attention. "Un avenir meilleur pour la Syrie signifie un transfert de pouvoir inclusif et pacifique, une réconciliation et la reconstruction", a dit Mme Baerbock à la presse après l'entretien avec le nouveau dirigeant syrien.
"Il est désormais nécessaire d'instaurer un dialogue politique incluant tous les groupes ethniques et religieux et incluant tous les citoyens", a-t-elle dit. M. Barrot a indiqué sur X avoir obtenu, avec son homologue allemande, des autorités provisoires des "assurances sur une large participation - notamment des femmes - à la transition politique", l'accueil d'une mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et la coopération avec le Liban voisin.
"Garanties" pour les Kurdes
Face au défi d'unifier le pays, morcelé par plus de dix ans de guerre, Ahmad al-Chareh s'est engagé à dissoudre les factions armées, notamment HTS. Il a annoncé son intention de convoquer un dialogue national, sans en préciser la date, et indiqué que l'organisation d'élections pourrait prendre quatre ans.
Le chef de la diplomatie française, qui a rencontré les représentants religieux de la communauté chrétienne, des figures de la société civile et s'est entretenu avec le chef militaire des Kurdes, s'est fait l'écho de leurs inquiétudes depuis l'arrivée des islamistes au pouvoir. "Une solution politique doit être trouvée avec les alliés de la France que sont les Kurdes pour qu'ils soient pleinement intégrés" dans le nouveau processus politique, a-t-il dit.
A la veille de sa visite, Jean-Noël Barrot a eu un entretien avec le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS, dominées par les Kurdes), Mazloum Abdi, qui contrôlent de larges parties du nord-est de la Syrie. Son homologue allemande a appelé de son côté à "de sérieuses garanties de sécurité pour les Kurdes, ainsi que l'intégration des forces kurdes" dans la nouvelle armée.
Visite d'une prison
HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, notamment Washington.
Alors que les principaux alliés de Bachar al-Assad étaient la Russie et l'Iran, le nouveau pouvoir s'est rapproché de la Turquie et du Qatar, esquissant des ouvertures envers l'Occident.
Au cours de leur visite, M. Barrot et Mme Baerbock se sont également rendus à la prison de Saydnaya, symbole de la répression de masse de l'ancien pouvoir. Accompagnés de secouristes syriens, ils ont visité des cellules où les conditions de détention étaient inhumaines et où de nombreux détenus sont morts sous la torture.