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Le Premier ministre indien Narendra Modi, qui brigue actuellement un troisième mandat aux élections générales, a voté mardi, sur fond de critiques de l'opposition qui l'accuse de dénigrer les minorités musulmanes.
M. Modi est sorti d'un bureau de vote de la ville d'Ahmedabad, dans son Etat natal du Gujarat (ouest), entouré d'agents de sécurité, en exhibant son index marqué d'un trait d'encre indélébile à ses partisans.
"Dans le grand rituel de la démocratie, tous ceux qui apportent leur contribution méritent des félicitations", a dit aux journalistes M. Modi, 73 ans.
"Une fois encore, je dis aux Indiens (...) de venir en grand nombre voter et célébrer la fête de la démocratie."
Les analystes politiques l'ont donné vainqueur avant même le début des élections qui se déroulent depuis le 19 avril, en sept phases, jusqu'au 1er juin.
Au total, 968 millions d'Indiens sont appelés à élire les 543 membres de la chambre basse, soit plus que la population totale des Etats-Unis, de l'Union européenne et de la Russie réunis.
Le chantre du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) est encore très populaire après deux mandats au cours desquels l'Inde a accru son influence diplomatique et son poids économique.
Il a offert au BJP deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.
"Il n'y a pas d'emplois, pas d'opportunités économiques. Les affaires n'ont jamais été aussi mauvaises pour moi", a déclaré à l'AFP Anil Sonkar, 55 ans, poissonnier à Agra, où se situe le célèbre Taj Mahal. "Mais sous ce gouvernement, nous nous sentons en sécurité et fiers en tant qu'hindous."
Le Premier ministre présente sa propre candidature à Varanasi, l'ancienne Bénarès, cité sacrée de l'hindouisme, dans l'Etat de l'Uttar Pradesh, qui ne votera que dans la septième et dernière phase du scrutin le 1er juin.
Le principal chef de l'opposition indienne Rahul Gandhi, âgé de 53 ans, se bat pour conserver le siège du Congrès de Wayanad dans l'Etat du Kerala, fief des opposants au BJP.
- "Directement sectaire" -
L'opposition et les défenseurs des droits dénoncent un recul démocratique et accusent M. Modi de favoriser les hindous, majoritaires dans le pays, au détriment d'importantes minorités, dont 210 millions d'Indiens musulmans, inquiètes pour leur avenir.
A l'inverse, M. Modi a accusé le Congrès, principal parti d'opposition, de vouloir distribuer la "richesse nationale" aux "infiltrés", "à ceux qui ont le plus d'enfants", désignant ainsi la communauté musulmane.
Indignée, l'opposition a saisi les autorités électorales qui n'ont pas sanctionné le Premier ministre. Pourtant, l'Inde est constitutionnellement laïque et son code électoral interdit toute campagne fondée sur des "sentiments communautaires".
"Je ne le connaissais pas aussi directement sectaire, généralement il est plus allusif", a déclaré Hartosh Singh Bal, rédacteur en chef du magazine d'information The Caravan.
"Le commentaire sur la redistribution des richesses s'attaquait à un sujet qui n'existe tout simplement pas dans le programme du Congrès", a-t-il ajouté.
Plus tôt cette année, Narendra Modi a inauguré à Ayodhya (Uttar Pradesh) un grand temple hindou dédié à la divinité Ram, bâti sur le site de la mosquée de Babri datant du XVIe siècle qui fut détruite par des fanatiques hindous en 1992.
L'inauguration du temple, très attendu par les militants du BJP, a bénéficié d'une ample couverture médiatique et de festivités publiques dans toute l'Inde.
"Le gouvernement mène ouvertement une politique sectaire", a déclaré à l'AFP Munna Usman, musulman de 48 ans et propriétaire d'une agence de voyages à Agra, ajoutant que tous les hindous en Inde "se méfient désormais de quiconque porte une barbe".
- "Indigne d'une démocratie" -
Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Modi, l'Inde se situe au 159e rang sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), qui juge cette "place indigne d'une démocratie".
Dans un entretien récent au quotidien Times of India, Narendra Modi a réfuté toute dérive autocratique, accusant l'opposition de "diffamer" l'Inde à l'étranger.
La participation aux élections générales est jusqu'ici inférieure à celle de 2019, des analystes imputant ce recul à "un certain désintérêt" des électeurs, d'autres à la vague de chaleur qui traverse le pays.
A Mathura (Uttar Pradesh), où il a fait 41°C le 26 avril, jour du scrutin, la commission électorale a noté une baisse de près de neuf points du taux de participation par rapport à 2019.
Les services météorologiques prévoient une température caniculaire ces prochains jours dans plusieurs Etats, dont le Madhya Pradesh et le Bihar qui voteront dans cette troisième phase.
Dans l'Etat du Telangana où le scrutin se déroulera plus tard en mai, les autorités ont annoncé que les bureaux électoraux resteraient ouverts une heure supplémentaire, en raison de la canicule.
En quittant le bureau de vote mardi, M. Modi a invité les électeurs à boire "autant d'eau que possible".
bur-abh-ash-lth/sk