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Avortement, mariage pour tous, parité politique, visibilité LGBT+: si le Mexique a progressé sur la voie des libertés individuelles ces dernières années, les militants restent vigilants avant les élections du 2 juin, même dans la perspective probable d'une femme élue présidente.
Ces militants ont été bouleversés par la mort en novembre dernier de Jesus Ociel Baena, symbole de la lutte LGBT+ et la première personne non-binaire promue dans la magistrature. Son corps a été retrouvé, portant des signes de violences.
Les autorités traitent le crime comme une affaire privée. Mais la communauté LGBT+ a protesté au cri de "crime passionnel, mensonge national", affirmant que la victime avait reçu des menaces.
Baena était la première personne à recevoir un passeport mexicain non-binaire en mai 2023.
Elle partageait cette forte visibilité dans le pays avec deux députées transgenre élus en 2021 et un maire ouvertement gay à Nezahualcóyotl, ville populaire d'un million d'habitants à la périphérie de Mexico.
Au-delà de ces cas emblématiques, le Mexique a continué de conforter les libertés individuelles, par des décisions politiques ou de la Cour suprême.
Depuis 2022, le mariage pour tous est légal dans les 32 états du pays.
Le processus aura pris 12 ans, comme le rappelle une publication de l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM): "Mexico a été la première entité (où le mariage pour tous) est entré en vigueur le 4 mars 2010. Le 26 octobre 2022, il a été approuvé dans le Tamaulipas (nord-est), le dernier état qui devait encore le légaliser".
Ces avancées ont un coût, estime néanmoins Iván Tagle, directeur de l'ONG Yaaj, qui défend les intérêts de la communauté LGBT+: "Plus il y a de visibilité, plus il y a de violence".
"En 2023, on a enregistré au moins 66 homicides de personnes LGBT+, en relation présumée avec leur orientation sexuelle", d'après l'ONG LetraEse.
"Sur l'ensemble des victimes, 65% sont des femmes transgenres avec 43 cas". Le Mexique est le deuxième pays au monde derrière le Brésil pour les assassinats de personnes transgenres, d'après certaines ONG.
- Parité -
La présidentielle du 2 juin va sans doute porter une femme à la présidence, une première dans l'histoire d'un pays où se produisent dix féminicides par jour, selon les féministes.
La candidate de la gauche au pouvoir, Claudia Sheinbaum, est la favorite, devant sa rivale de centre-droit Xochitl Galvez.
D'autres femmes occupent déjà des postes importants, comme la présidente de la Cour suprême, Norma Piña, la gouverneure de la Banque centrale, Victoria Rodríguez, ou les ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Sécurité. Plusieurs des 32 états sont gouvernés par des femmes.
Depuis 2014, la Constitution intègre le principe de la "parité" homme/femme dans les candidatures aux élections. Le Congrès actuel, issu des dernières élections de juin 2021, compte même une majorité de femmes (251 pour 500 au total).
Mais une femme de gauche présidente du Mexique ne garantit pas de nouvelles avancées pour les luttes féministes, insistent les militants.
Les féministes rappellent que le mentor de la favorite Claudia Sheinbaum, le président sortant Andrés Manuel López Obrador, les a traitées de "pseudo-féministes" après une manifestation tendue en faveur de l'avortement.
- Avortement -
L'avortement, justement, a été dépénalisé dans tout le pays, sur décision de la Cour suprême en 2023 et non à l'initiative du gouvernement.
Dans ce pays fédéral, seule une douzaine d'états sur 32 l'ont dans les faits entièrement dépénalisé.
Même avec des limites et des lenteurs, le Mexique va sur ce plan à contre-courant des Etats-Unis, où la Cour suprême a annulé en 2022 son arrêt Roe v. Wade qui garantissait depuis 1973 le droit constitutionnel à l'avortement.
Conséquence, des femmes américaines demandent des pilules abortives au Mexique ou viennent y avorter, d'après des médias des deux pays.
La dépénalisation de la marijuana progresse aussi lentement. En 2021, la Cour suprême avait dépénalisé son "usage ludique" pour les adultes. Mais l'approbation du Sénat se fait encore attendre.