Partager:
Au Bangladesh un groupe d'étudiants a menacé dimanche de reprendre les manifestations dès lundi, après plusieurs jours de troubles meurtriers, si ses leaders emprisonnés n'étaient pas libérés, tandis que les autorités donnaient le premier bilan officiel de la répression après avoir rétabli l'internet mobile.
Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre et la répression meurtrière des autorités ont fait au moins 205 morts dans le pays d'Asie du Sud la semaine dernière, selon un décompte de l'AFP à partir des données de la police et des hôpitaux.
Le ministre de l'Intérieur, Asaduzzaman Khan, a affirmé de son côté que 147 personnes avaient été tuées, donnant ainsi le premier bilan officiel, tandis qu'Étudiants contre la discrimination, l'organisation à l'initiative des protestations, a recensé 266 victimes.
Selon M. Khan, la police du Bangladesh a fait preuve de retenue mais a été "forcée d'ouvrir le feu" sur des manifestants pour tenter de protéger des bâtiments gouvernementaux.
"Malgré le meurtre de leurs collègues", les policiers "ont fait preuve d'une patience extrême", a affirmé M. Khan dimanche devant des journalistes. "Mais quand ils ont vu que les bâtiments ne pouvaient être protégés, les policiers ont été forcés d'ouvrir le feu", a-t-il ajouté.
La police a arrêté des milliers de manifestants, dont plusieurs leaders étudiants après des protestations contre les quotas d'embauche dans la fonction publique.
Après un moratoire d'une semaine du mouvement face aux violences, les membres d'Étudiants contre la discrimination ont déclaré dimanche qu'ils reprendraient les manifestations lundi si leurs dirigeants ne sont pas libérés.
Le chef du groupe, Nahid Islam, et d'autres personnes "doivent être libérés et les poursuites engagées contre eux abandonnées", a déclaré Abdul Hannan Masud aux journalistes lors d'une conférence de presse en ligne samedi soir.
M. Masud, qui n'a pas révélé d'où il s'exprimait car il se cache des autorités, a également demandé que des "actions visibles" soient prises contre les ministres et les policiers responsables de la mort des manifestants.
- Leaders étudiants arrêtés à l'hôpital -
"Dans le cas contraire, les Etudiants contre la discrimination seront contraints de lancer des manifestations dures à partir de lundi", a-t-il déclaré.
Trois dirigeants du groupe étudiant, Asif Mahmud, Nahid Islam et Abu Baker Majumdern, ont été sortis de force vendredi de l'hôpital et emmenés par des policiers en civil.
Le ministre de l'Intérieur a indiqué vendredi soir qu'ils avaient été transférés pour "leur propre sécurité".
La police a affirmé dimanche à l'AFP que deux autres personnes avaient été mises en détention - selon un activiste d'Étudiants contre la discrimination, trois personnes supplémentaires ont été emmenées.
La semaine dernière a été marquée par l'incendie de bâtiments gouvernementaux et de postes de police à Dacca, ainsi que par de violents affrontements de rue entre manifestants et police anti-émeute ailleurs dans le pays.
Le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina a déployé des troupes, instauré une coupure nationale d'internet et un couvre-feu pour rétablir l'ordre.
Le couvre-feu restait en vigueur dimanche, mais il a été progressivement assoupli au cours de la semaine, signe que le gouvernement considère que l'ordre a été en grande partie rétabli.
- " au moins 9.000 arrestations" -
Le ministre des Télécommunications Zunaid Ahmed Palak a annoncé dimanche le rétablissement de l'internet mobile dans l'après midi, après plus d'une semaine de blocage. Les connexions pour l'internet fixe avaient été rétablies mardi.
Selon Prothom Alo, le plus grand quotidien du Bangladesh, au moins 9.000 personnes ont été arrêtées dans tout le pays depuis le début des troubles.
Il s'agit de l'un des pires soulèvements au Bangladesh depuis que Sheikh Hasina est redevenue, en 2009, Première ministre (après avoir exercé ces fonctions de 1996 à 2001).
La contestation a commencé après la réintroduction en juin d'un régime réservant à certains candidats plus de la moitié des emplois de la fonction publique, dont près d'un tiers aux descendants d'anciens combattants de la guerre d'indépendance du Bangladesh.
Dans ce pays comptant quelque 18 millions de jeunes sans travail, selon les chiffres officiels, ce système a suscité la colère des diplômés, confrontés à une crise aiguë de l'emploi. Selon ses détracteurs, ces quotas visent à réserver des emplois publics aux proches de la Ligue Awami, le parti de la Première ministre.
La Cour suprême a réduit dimanche le nombre des postes ainsi réservés, mais les manifestants veulent que ce système soit aboli.