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L'armée ukrainienne poursuit vendredi son incursion dans la région russe de Koursk et a lancé dans la nuit des attaques "massives" de drones sur plusieurs autres régions de Russie, dont celle de Lipetsk, distante de près de 300 km de la frontière, où un incendie s'est déclaré sur une base militaire.
Le gouverneur régional de Lipetsk, Igor Artamonov, a décrété l'état d'urgence après une "attaque massive" de drones ukrainiens qui a fait au moins six blessés, selon lui, et endommagé une centrale électrique.
Les agences Tass et Ria Novosti, citant les autorités régionales, ont pour leur part rapporté qu'un incendie s'était déclaré sur une base aérienne militaire de la région de Lipetsk, sans en préciser la cause.
"Un incendie s'est déclaré dans un terrain d'aviation militaire de la région de Lipetsk", ont écrit ces deux agences en citant le ministère régional des Situations d'urgence, sans préciser si cet incendie est dû ou non à une attaque ukrainienne.
Le gouverneur de cette région a annoncé l'évacuation de plus de 400 maisons, dans un message posté sur le réseau Telegram, et cité par Tass, vendredi matin. "La zone d'évacuation concerne 416 maisons", a-t-il indiqué, précisant que des bus étaient en route vers celle-ci pour évacuer les habitants.
L'agence de presse Tass fait aussi état d'infrastructure civile électrique endommagée par le crash d'un drone dans cette même région.
La défense aérienne russe a par ailleurs abattu 29 drones ukrainiens dans la région frontalière de Belgorod, a écrit sur Telegram le gouverneur Viatcheslav Gladkov, selon qui cette attaque a causé des dégâts matériels mais aucun blessé.
A Sébastopol, dans la péninsule de Crimée annexée par la Russie en 2014, le gouverneur Mikhaïl Razvojaïev a fait état d'attaques de drones aériens et marins.
Ces attaques nocturnes ont été lancées au moment où l'Ukraine mène depuis mardi une offensive surprise dans la région frontalière de Koursk.
Plus de mille soldats ukrainiens avec une dizaine de chars et une vingtaine de blindés ont pénétré mardi dans cette région, selon l'état-major russe, qui a dit tout faire pour les repousser.
Ce contingent semble toutefois avoir gagné du terrain en prenant les forces russes au dépourvu, bien que Kiev ait gardé un silence quasi total sur l'opération.
"Ressentir" les effets de la guerre
"La Russie a apporté la guerre à notre pays et devrait en ressentir" les effets, a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans son allocution de jeudi soir, sans pour autant mentionner directement cette incursion.
Son conseiller Mykhaïlo Podoliak a lui aussi affirmé que cette offensive surprise était une conséquence de "l'agression" russe en Ukraine, sans pour autant l'attribuer clairement aux forces de Kiev.
"Désormais, une grande partie de la communauté internationale considère la Russie comme une cible légitime pour les opérations de n'importe quel type et avec n'importe quelle arme", a-t-il ajouté, alors que de nombreux pays occidentaux ont interdit à l'Ukraine d'utiliser les armes qu'ils lui fournissent pour frapper le territoire russe.
La veille, à la télévision ukrainienne, M. Podoliak avait jugé que, pour obtenir quelque chose de Moscou à "la table des négociations", il ne fallait pas que le conflit suive "le scénario" établi par les Russes.
Les Etats-Unis, principal soutien de Kiev, ont répété jeudi "soutenir fermement les efforts de l'Ukraine pour se défendre contre l'agression russe", sans commenter les détails de la situation. La veille, Washington avait indiqué avoir interrogé les autorités ukrainiennes pour comprendre les "objectifs" de cette incursion d'une ampleur sans précédent.
"L'opération de destruction des formations de l'armée ukrainienne se poursuit", a déclaré de son côté jeudi le ministère russe de la Défense, assurant les empêcher de "pénétrer profondément" dans la région.
Tableau alarmiste
Il a publié des vidéos filmées par des drones et montrant, selon lui, la destruction de soldats et véhicules ukrainiens dans la région de Koursk.
Si la communication officielle russe se veut rassurante - les autorités régionales évoquant encore jeudi une situation "stable et sous contrôle" -, le tableau dressé par des experts militaires est plus alarmiste pour la Russie.
Selon l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), un centre de recherche basé aux Etats-Unis, les troupes ukrainiennes ont pénétré jusqu'à 35 km à l'intérieur du territoire russe.
Selon plusieurs analystes, les soldats ukrainiens ont atteint Soudja, une ville russe d'environ 5.500 habitants située à une dizaine de kilomètres de la frontière et qui abrite un hub de gaz fournissant toujours l'Europe via l'Ukraine.
Des habitants évacués de cette ville ont fait état d'une situation difficile sur place, selon des images diffusées par le parti russe LDPR, qui participe à l'accueil des déplacés.
"La situation est mauvaise... il n'y a pas de communication" avec ceux restés sur place, a raconté Alexeï, un ambulancier de Soudja qui attend de recevoir une aide humanitaire.
Un autre homme, lui aussi prénommé Alexeï, un bénévole, a quant à lui expliqué que les évacués "se sentent abandonnés".
Des chaînes Telegram d'observateurs militaires ukrainiens ont diffusé des images de drone, non vérifiées, montrant ce qui est présenté comme étant des soldats russes se rendant.
Mercredi, Vladimir Poutine était apparu visiblement en colère à la télévision russe, dénonçant une "provocation à grande échelle" de l'Ukraine et l'accusant de frapper aveuglément des bâtiments civils.
Bien que l'ampleur de la progression des militaires ukrainiens ne soit pas claire, le géant Gazprom a assuré jeudi continuer à livrer quotidiennement, comme à son habitude, son gaz via Soudja.
Ce gaz transite ensuite par l'Ukraine à destination notamment de la Slovaquie et de la Hongrie.
Les autorités ont instauré l'état d'urgence dans la région de Koursk et affirmé qu'au moins cinq civils y avaient trouvé la mort et 66 avaient été blessés, dont neuf enfants. Environ 3.000 personnes ont déjà été évacuées.