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Le programme de dérégulation économique du président argentin ultralibéral Javier Milei a obtenu vendredi le feu vert définitif du Parlement avec l'approbation des députés, après des mois de débat sur un texte profondément remanié.
M. Milei, élu en novembre, marque ainsi sa première victoire parlementaire depuis son investiture le 10 décembre et le bureau du président a "salué" le vote, sur le réseau social X.
"Le gouvernement national a obtenu l'approbation de la première loi depuis le vote des Argentins pour un pays libre et prospère", selon la présidence.
Le projet de loi a été approuvé par 148 voix contre 107 ce paquet de réformes amendé, déjà adopté au Sénat le 13 juin après une journée marquée par des échauffourées. Le vote des députés, qui avaient rejeté le projet en février, n'a pas été marqué par de tels incidents.
"Nous allons donner au gouvernement du président Milei les outils nécessaires pour qu'il puisse réformer l'État une fois pour toutes", a déclaré le chef du bloc au pouvoir, Gabriel Bornoroni.
Démesuré, avec 664 articles dans sa version initiale, le train de réformes dérégulatrices ou d'austérité avait été présenté en décembre par M. Milei.
Le projet de loi a été baptisé "omnibus" pour son caractère touche-à-tout, allant du système électoral aux privatisations, des retraites au Code pénal, de l'éducation à la culture ou au divorce.
Au fur et à mesure des tractations parlementaires, il a été détricoté et réduit à 238 articles, avec des bémols sur les privatisations d'entreprises publiques --onze prévues au lieu d'une quarantaine initialement-- ou la flexibilisation du droit du travail, en version allégée.
- "Sans rien en échange" -
Le parti libertarien de Javier Milei, la Libertad Avanza, est minoritaire au Parlement --sept sièges seulement sur 72 au Sénat et troisième force à la Chambre avec 38 députés.
Le député péroniste Hugo Yasky a dénoncé la nouvelle loi comme "un costume taillé sur mesure" pour le pouvoir. Elle ouvre selon lui la voie aux capitaux étrangers dans les secteurs du pétrole et du lithium "sans rien en échange" et transformera le pays "en paradis fiscal".
Politiquement, ce feu vert signifie "un succès total pour le gouvernement", a déclaré à l’AFP le politologue et économiste Pablo Tigani.
Mais dans le domaine économique, "ce sera un retour à la politique des années 1990 avec la déréglementation, la privatisation et l'ouverture inconditionnelle de l'économie qui portera un coup dur à l'industrie et aux petites et moyennes entreprises nationales", a-t-il estimé.
"Les lois ne signifient pas grand chose quand la situation économique et sociale est explosive", a ajouté M. Tigani. "Je m'attends à des problèmes de gouvernabilité et un président entravé par la situation sociale".
Avant même l'adoption du projet, M. Milei s'était félicité d'avoir réalisé "le plus grand ajustement fiscal non seulement de l'histoire de l'Argentine, mais aussi de l'histoire de l'humanité".
Son gouvernement a appliqué d'emblée un programme drastique d'austérité budgétaire tous azimuts, dans un objectif de "déficit budgétaire zéro" à fin 2024, et ainsi de dompter l'inflation chronique (211% en 2023).
- Récession et pauvreté -
Mais les coupes budgétaires, dont la paralysie des chantiers publics, couplées à une brutale dévaluation (54%) du peso en décembre, ont étranglé le pouvoir d'achat. Un impact qui se répercute sur la consommation, l'activité, l'emploi.
L'inflation en Argentine a poursuivi en mai la décélération graduelle entamée il y a cinq mois, à 4,2% sur un mois, la plus basse en deux ans et demi, mais reste écrasante, à 276,4% sur un an.
Consommation et activité dégringolent. La récession s'installe, avec une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 5,1% au premier trimestre en glissement annuel. La pauvreté frappe dorénavant plus de la moitié de la population (55,5% au premier trimestre 2024 contre 44,7% un an plus tôt), selon l'Observatoire de la dette sociale de l'Université catholique (ODSA-UCA).
Et du côté de la politique, le président devra affronter de nouveaux défis "parce que l'opposition prête au dialogue va adopter une nouvelle attitude (...) obligeant Milei à accorder la priorité à la gestion", estime l'analyste Carlos Germano, de Germano y Asociados.