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Un ancien complice charge l'ex-fugitif Thierry Ascione

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Benoit PEYRUCQ

Jugé notamment pour complicité d'un assassinat commis au Guatemala il y a plus de 30 ans, Thierry Ascione en a pris pour son grade vendredi devant la cour d'assises de Paris avec le témoignage d'un ex-complice bien décidé à lui faire payer ses "quinze ans, neuf mois et quinze jours" passés à moisir dans une prison guatémaltèque.

"Le crime", le 28 décembre 1991, d'un couple de restaurateurs français établis au Guatemala, Bernard Béreaud et sa compagne Marie-Antoinette Perriard, "a été planifié par Thierry Ascione", assène à la barre d'une voix bourrue l'ex-légionnaire Philippe Biret, carrure massive et cheveux ras, veste en peau de mouton retournée sur le dos.

Dans le box, Thierry Ascione affiche un air méprisant. "Tu es un mytho complet", rétorque l'ex-fugitif sans avoir été invité à parler. "Je te le dis avec respect", ajoute-t-il en souriant.

Il en faudrait davantage pour impressionner l'ex-légionnaire qui reconnaît à demi-mots avoir servi dans des groupes paramilitaires d'Amérique centrale.

Philippe Biret met également en cause Jean-Philippe Bernard, le neveu du restaurateur assassiné, arrêté en même temps que lui par la police guatémaltèque le 29 janvier 1992, un mois après le double assassinat.

Les deux hommes ont été condamnés à 30 ans de prison au Guatemala. Ils ont été libérés en 2007. "J'ai passé quinze ans, neuf mois et quinze jours en prison", dit-il, amer.

Le troisième larron, Thierry Ascione, a échappé au coup de filet policier. Il a quitté le 3 janvier 1992 le Guatemala pour Miami où il a encaissé une partie de l'argent des victimes grâce à des chéquiers volés et en imitant la signature de Bernard Béreaud.

"Oui, j’ai escroqué la banque", a-t-il reconnu à l'ouverture du procès. Mais son implication dans cette affaire se cantonne à ce volet financier, assure-t-il.

C'est trop facile, s'insurge Philippe Biret. D'un air détaché, sans considération pour les familles des victimes présentes dans la salle, il raconte en détail le guet-apens mis au point, selon lui, par Ascione et le neveu du couple.

Le soir du crime, Jean-Philippe Bernard (qui vit toujours au Guatemala et a refusé pour l'instant de livrer son témoignage à la cour) propose à son oncle et sa tante qui ont prévu de partir en vacances à Miami de les accompagner à l'aéroport. Biret et Ascione les suivent dans une autre voiture. Arrivé dans un parking où stationne une Jeep de l'armée, Jean-Philippe Bernard s'arrête et sort du véhicule. Un militaire sort de la Jeep et tire sur le couple resté à l'intérieur.

- "Le meurtre des Béreaud c'est rien" -

Biret affirme que dans la Jeep, il y avait "un colonel" et "le secrétaire du ministre de la Défense" du Guatemala. "Moi, j'étais là pour protéger Ascione si ça devait partir en vrille", dit-il avec froideur.

Les corps des restaurateurs seront retrouvés plusieurs jours plus tard, affreusement mutilés, et ne seront identifiés que le 16 janvier.

Preuve de l'implication d'Ascione, Biret affirme l'avoir vu remettre 10.000 dollars au "colonel" quelques jours après l'assassinat. La voiture de location dans laquelle ont péri les restaurateurs sera retrouvée calcinée le 29 décembre.

"J'ai fait ça pour une poignée d'argent", se justifie Biret qui a rencontré Ascione peu de temps avant les faits dans un des bars gérés par le couple de restaurateurs.

"Mais pourquoi accepter de se rendre complice d'un assassinat ?", s'interroge le président de la cour David De Pas.

"Si je vous racontais ce que j'ai vu en Amérique centrale, le meurtre des Béreaud, c'est rien", répond, impassible, l'ex-légionnaire qui s'agace des questions de la cour. "J'ai l'impression d'être dans la casserole", s'énerve-t-il.

Avant lui, un autre témoin, compagnon de la soeur de Jean-Philippe Bernard, a perdu la mémoire.

Le président lui rappelle que, durant l'enquête, il a affirmé avoir surpris une conversation entre Biret, Bernard et Ascione au cours de laquelle ce dernier aurait dit qu'il allait "fumer" les Béreaud parce qu'ils commençaient "à le gonfler".

"Je ne m'en souviens pas" dit le témoin. Avant d'ajouter: "Si je l'ai dit, ça doit être vrai".

Le procès est prévu jusqu'au 11 octobre.

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