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"On est chanceux de pouvoir appeler ce spot la maison". Kauli Vaast et Vahine Fierro, deux gamins de Teahupo'o (Tahiti) surfent depuis tout jeune sur la redoutable vague olympique et se préparent ensemble à briller cet été face aux meilleurs mondiaux.
"Ils connaissent cette vague par coeur, c'est leur jardin. Ils font tout simplement partie des meilleurs sur ce spot", explique le manager des Bleus Jérémy Florès, seul Français à s'être déjà imposé sur la célèbre vague tahitienne, lors d'une étape du tour pro en 2015.
Vaast, 22 ans et Fierro, 24 ans, ne figurent pas encore parmi l'élite mondiale du surf. Depuis trois ans, ils parcourent le monde entier à l'occasion des Challenger Series, l'équivalent de la 2e division.
Mais chez eux, lorsque la houle déferle avec violence dans le lagon de Teahupo'o, formant des vagues tubulaires et translucides uniques au monde, leur talent et leur courage s'imposent à tous.
"Kauli est incroyable ici, il surfe cette vague à la perfection. Il va être difficile à battre", reconnaît auprès de l'AFP l'Américain John John Florence, double champion du monde (2016, 2017) et l'un des meilleurs surfeurs de tube de l'histoire de son sport.
- "Tout le temps en compétition" -
Fin mai, alors que l'échéance olympique approche à grand pas, les deux Tahitiens se retrouvent une nouvelle fois côte à côte à affronter "la mâchoire de Hava'e", nom donné par les locaux à cette vague aussi dangereuse que majestueuse.
"J'aime pas quand tu me bats, c'est horrible", lâche Kauli entre deux tubes, avant d'esquisser un sourire en direction de Vahine. "C'est affreux, on est tout le temps en compétition. Moi je pleure quand tu fais une meilleure session que moi", lui rétorque son amie en riant.
En tant que locaux, ils bénéficient d'une priorité tacite par rapport aux autres surfeurs pour choisir les vagues lors de leurs entraînements. Vahine, l'une des rares femmes à l'eau, ne se prive pas de l'utiliser et se lève dans un tube de 2 mètres.
"Je viens de l'île de Huahine, mais j'ai bougé ici à l'âge de 14 ans. Au début ce n'est pas une vague qui m’intéressait, car elle me faisait un peu peur", raconte Fierro, fille d'un Américain surfeur aguerri et d'une institutrice polynésienne.
Elle côtoie déjà Kauli, rencontrés lors des compétitions jeunes à Tahiti, et les deux adolescents explorent quotidiennement le récif avec leurs planches. Plus tête brûlée, le longiligne Vaast est le premier à l'eau depuis ses 8 ans lorsque la houle se lève à Teahupo'o.
- Mana et mystique -
"C'est grâce à Kauli que j'ai commencé à surfer ici. Un jour j'attendais sur le bateau, je l'ai vu prendre des vagues incroyables et j'ai sauté à l'eau. Pour moi, c'est bien de l'avoir car c'est quelqu'un qui maîtrise le spot mieux que personne", dit Fierro.
"On se pousse l'un l'autre et c'est ça qui est top", estime Kauli Vaast, qui s'est installé tout jeune avec ses deux parents véliplanchistes à quelques centaines de mètres de la vague olympique.
Tous deux entretiennent une relation quasiment mystique avec Teahupo'o, ses patates de corail bariolées et les montagnes brumeuses qui surplombent le village et son lagon. "Quand on surfe, il y a un lien qui se fait entre nous, cette vague, l'île", dit Vaast.
"En sortant d'un tube parfois, je ne me rappelle même pas de ce que j'ai fait dedans, j'ai juste l'impression que tout est au ralenti", décrit Fierro, qui vante régulièrement le "mana" du lieu, force surnaturelle dans la culture polynésienne.
Un "mana" qui pourrait leur permettre d'aller décrocher une médaille aux JO ? "Ils sont moins expérimentés que les autres, mais ils travaillent très dur et, mentalement, ce sont des machines, du coup ça fait la balance", analyse leur entraîneur Jérémy Florès.
"C'est un de nos plus grands rêves ! Le but c’est d'aller chercher la première place", annonce Kauli Vaast. Le surf, pratiqué à Tahiti depuis des temps immémoriaux, rapporterait alors à l'île sa première médaille d'or.