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Un texte qui pourrait "tuer la corrida": le monde de la tauromachie fustige la proposition d'interdire la corrida aux mineurs de moins de 16 ans, examinée jeudi au Sénat en France, appelant à laisser aux "parents la liberté de décision".
Richard Milian, ancien torero, dirige la seule école taurine du Sud-Ouest, à Cauna, en périphérie de Mont-de-Marsan. En près de 20 ans, environ 50 élèves sont passés par sa formation, dont six sont devenus des toreros professionnels.
"Ce sont des gamins qui sont allés voir une corrida avec leur grand-père ou leurs parents qui ont été piqués par le moustique local", sourit l'ancien matador, pour qui l'apprentissage doit commencer au début de l'adolescence, "et pas après 16 ans".
Cosigné par une quarantaine d'élus de plusieurs groupes, le texte de la sénatrice Renaissance Samantha Cazebonne propose d'interdire "la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans", avec l'ambition de "préserver les mineurs de l'exposition à la violence".
Il a été rejeté en commission la semaine dernière mais doit être examiné dans l'hémicycle du Sénat ce jeudi, deux ans après des débats enflammés mais écourtés à l'Assemblée autour d'une proposition de loi de l'insoumis Aymeric Caron visant à interdire totalement la corrida. Actuellement, elle est encore autorisée dans les territoires où "une tradition locale ininterrompue peut être invoquée".
Public plus jeune et plus nombreux
Anthony Sorbet, jeune aficionado de 25 ans installé à Bayonne, a créé le collectif des Jeunes Aficionados du Sud Ouest et utilise les réseaux sociaux pour "faire découvrir" à la jeunesse "toutes les émotions que l'on peut vivre dans les arènes", qu'il a fréquentées dès ses 5 ans, emmené par des parents passionnés.
"Ce n'est pas seulement de la violence. Quand on est petits, ce qui nous marque, c'est plutôt la puissance du moment", assure-t-il. Depuis deux ans, il a constaté "un tournant" dans le Sud-Ouest, "où on voit beaucoup plus de jeunes, de 16 à 25 ans, aux corridas". Et notamment des néophytes, poussés selon lui "par les attaques" contre cette tradition.
En parallèle, l'Union des villes taurines françaises (UVTF) a mis en place une tarification avantageuse pour le jeune public et même offert cette année des places à 2.300 jeunes de moins de 25 ans dans de nombreuses arènes françaises. En 2023, d'après des chiffres de l'UVTF, la fréquentation des arènes a connu une hausse conséquente de 20% à Nîmes, 25% à Bayonne, de 15% à Mont-de-Marsan ou encore de 30% à Riscle.
"Tradition" à préserver
À Bouillargues (sud de la France), la peña taurine La Embestida organisait une novillada, le 12 octobre, avec de jeunes aspirants toreros. L'une de ses membres âgée de 50 ans, Christine Banuls, considère que cette proposition de loi veut "tuer la corrida". "Si on ne transmet pas aujourd'hui les valeurs de la corrida aux enfants, ils n'iront plus dans les arènes", estime-t-elle.
Dans le public ce jour-là, une dizaine d'adolescents et des enfants. Ludivine Boyer, 36 ans, venue avec un groupe d'amies et la fille de 4 ans de l'une d'elles, défend une "tradition" à laquelle les mineurs doivent pouvoir assister, "mais sans les forcer parce qu'il s'agit d'un spectacle assez dur".
Élias, 13 ans, élève du Centre de tauromachie de Nîmes, aspire à devenir "l'homme au milieu de l'arène", après avoir été initié par son père et son grand-père. Il a vu sa première corrida à 3 ou 4 ans et assure n'être "toujours pas traumatisé".
Julien Lescarret, ancien torero installé à Bayonne, réfute totalement l'idée d'une violence qui pourrait causer des traumatismes sur un jeune public. "Il n'y a aucun fondement scientifique à cette affirmation, ça n'a jamais été prouvé et pourtant des millions de gens sont allés aux arènes." A contrario, il "encourage les gens" à aller voir des corridas avec leurs enfants, "parce que les petits ont un rapport très sain à la mort". Surtout, il considère que l'on doit "laisser aux parents la liberté de décision dans l'éducation de leurs enfants".