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Les Espagnols de la Nueve, héros longtemps oubliés de la libération de Paris

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Pendant des décennies, ils ont été des héros oubliés. Les 160 hommes de la Nueve, pour la plupart des républicains espagnols, sont pourtant les premiers à pénétrer dans Paris encore occupée en août 1944.

Après avoir combattu contre les Allemands pour libérer l'Afrique du Nord, ces soldats de la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, sous le commandement français du général Leclerc qui dirige la 2e Division blindée, jouent un rôle actif dans la libération de la capitale.

Parmi eux, 146 Espagnols (des anarchistes, des communistes, des socialistes ou des modérés) ayant pour beaucoup combattu Franco pendant la guerre civile et réfugiés en 1939 en France après la défaite.

- "Imbattables" -

D'où le surnom de Nueve (neuf en espagnol) donné à la compagnie, dont les soldats peuvent arborer le drapeau tricolore des républicains espagnols sur l'uniforme. Leclerc a repéré leur bravoure: il faut "gagner leur adhésion: convaincus, ils sont imbattables..."

Mais après guerre, dans un pays meurtri par la tache de la collaboration du régime de Vichy avec l'Allemagne nazie, il est important, pour l'imagerie populaire, que la libération de Paris soit le fait de Français.

"Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France", clame le 25 août le général de Gaulle, chef de la France libre.

Pour de Gaulle et Leclerc, il était d'ailleurs primordial d'arriver avant les Américains dans la capitale, qui s'est soulevée quelques jours plus tôt contre l'occupant allemand.

Selon Christine Levisse-Touzé, historienne et directrice honoraire du musée de la libération de Paris, il n'y a toutefois "pas eu de volonté de gommer" le rôle des Rafael, Luis, Manuel, Miguel et autres héros anonymes de la "Nueve", ni d'ailleurs des combattants de multiples autres nationalités.

Elle pointe aussi un "malentendu" sur la mission réelle de la Nueve. "Il ne faut ni minorer, ni surestimer son rôle", insiste-t-elle auprès de l'AFP.

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El Patron (surnom donné à Leclerc par les Espagnols) a bien lancé "Foncez sur Paris" au capitaine Raymond Dronne qui commande cette 9e compagnie, secondé par le lieutenant Amado Granell, ex-officier de l'armée républicaine espagnole.

Toutefois, l'ordre de mission n'est pas de libérer Paris ni de combattre "mais de dire aux Parisiens de ne pas perdre courage" et que le lendemain, la division entière sera dans la capitale.

Le soir du 24 août, avec notamment des blindés half-track baptisés des noms des batailles contre les franquistes ("Guadalajara", "Madrid", "Teruel"...), ils pénètrent dans la capitale par la porte d'Italie. Et parviennent en moins d'une heure, sans le moindre coup de feu, jusqu'à l'Hôtel de Ville où la colonne est reçue par la Résistance.

Le bourdon de Notre-Dame résonne, la "Marseillaise" retentit des hauts-parleurs.

Le lendemain, alors que le gros de la 2e DB entre dans Paris, la Nueve participe aux combats, avec notamment l'assaut du central de la rue des Archives miné par les Allemands. Ils escorteront aussi le général de Gaulle sur les Champs-Elysées.

- Reconnaissance tardive -

"Les Espagnols", qui poursuivront l'offensive vers l'est de la France, "se sont remarquablement battus. Ils sont délicats à commander mais ils ont énormément de courage et une grande expérience du combat", saluera Dronne.

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ERIC FEFERBERG

Longtemps, la faible reconnaissance collective de leur rôle pèsera sur ces hommes, dont certains ont aussi vécu comme une trahison le fait que les Alliés, après guerre, n'aient pas, comme promis, renversé Franco.

Il faut attendre les années 2000 pour qu'ils soient pleinement célébrés, avec d'abord la pose en 2004 d'une plaque "Aux républicains espagnols, composante principale de la colonne Dronne". Puis en 2015, le jardin de l'Hôtel de Ville est renommé "Jardin des combattants de la Nueve". Sans oublier une fresque murale dévoilée en 2019.

Des hommages auxquels seuls une poignée de survivants ont assisté. Le dernier des Nueve, Rafael Gomez Nieto, mourra dans sa centième année, du Covid, en 2020.

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