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Des agriculteurs français et espagnols bloquaient encore lundi soir les deux principaux points de passage transfrontaliers le long des Pyrénées afin de "peser" sur les élections européennes de dimanche prochain et réclamer notamment une énergie moins chère.
"Ici débute la résistance agricole européenne", pouvait-on lire sur une banderole suspendue à la barrière de péage de Biriatou, dans le Pays basque français, sur l'autoroute A63 Bordeaux-Bilbao, a constaté une correspondante de l'AFP.
Côté espagnol, où une quinzaine d'organisations indépendantes des syndicats mènent la mobilisation, des tables et des chaises de camping ont été dépliées à l'ombre du péage ou sur les voies.
Entamée lundi matin, cette mobilisation d'agriculteurs et éleveurs devrait se poursuivre "toute la nuit, jusqu'à demain" mardi, selon Luis Francisco del Aqua, producteur de céréales dans la région de Valladolid, dans le nord de l'Espagne, présent au péage de Biriatou.
"Nous resterons jusqu'à demain (mardi) à 10H00 du matin", a déclaré de son côté lundi soir à l'AFP Eloi Huguet, éleveur de chèvres dans la région de Gérone (nord-est de l'Espagne), qui participait au blocage de l'A9 Montpellier-Barcelone au Perthus, à la frontière franco-espagnole.
De son côté, Vinci Autoroutes a confirmé que l'A9 restait bloquée lundi soir, ajoutant qu'à Biriatou un "filtrage" permettait le passage de certains véhicules légers sur l'A63.
Sur les coups de 10H00 lundi, une longue cohorte de dizaines de tracteurs espagnols avait rejoint les quelques agriculteurs français positionnés là où l'A9 passe la frontière dans les Pyrénées-Orientales.
-"Blocage historique"-
"Aujourd'hui, c'est un blocage historique qui ne s'est jamais fait en Europe", dit à l'AFP Sébastien Barboteu, 41 ans, éleveur de bovins dans la vallée frontalière du Vallespir (Pyrénées-Orientales) et porte-parole des agriculteurs français mobilisés.
"Avant, on +s'affrontait+, maintenant on s'allie, on a les mêmes problématiques", s'est-il réjoui à propos de cette rare mobilisation commune.
A l'image de ce barrage sur l'A9, sept autres points de passage entre l'Espagne et la France ont aussi été bloqués lundi, tout le long des Pyrénées, de la Catalogne au Pays basque.
Cette mobilisation, pour une énergie moins chère et le respect des clauses miroirs (qui supposent d'imposer aux agriculteurs de pays tiers les mêmes normes environnementales que celles prévues en Europe), a pour particularité de ne pas avoir été organisée par les syndicats agricoles traditionnels.
"Il n'est pas normal qu'on nous impose, à nous, des normes qui ne sont pas respectées sur les produits qu'on importe", explique Xabi Dallemane, l'un des organisateurs de ce rassemblement "sans étiquette" au Pays basque.
Pour cet éleveur de bovins et canards basé à Bidache, l'opération est "pacifique" avec pour objectif de "mettre la pression sur nos futurs députés européens".
"Personne n'achèterait jamais un jouet ou une voiture non conforme à la réglementation européenne, mais des aliments sont importés et vendus alors qu'ils ne la respectent pas", expliquait de son côté l'Espagnol Josep Ballucera, agriculteur de 39 ans venu de Santa Coloma de Farners, dans la province de Gérone.
- "On veut peser" -
"On veut peser, car quand je parle au gouvernement, on m'explique que 80% des lois agricoles se décident à Bruxelles, donc on a compris que maintenant le cheval de bataille n'était plus national, il était européen", renchérit Jérôme Bayle, éleveur de Haute-Garonne devenu figure du mouvement de contestation agricole du début d'année.
"Ça n'a rien à voir" avec la mobilisation de la fin de l'hiver qui avait vu des agriculteurs de la France entière bloquer des autoroutes et asperger de purin les préfectures, précise-t-il toutefois.
"On demande pas le bout du monde, juste que l'Europe soit uniformisée dans la réglementation et les taxes", ajoute-t-il.
Côté espagnol, la mobilisation est conduite par des plateformes locales, pour la plupart nées ces derniers mois et organisées via des boucles Telegram.
L'une d'elles, le collectif catalan Revolta Pagesa ("révolte paysanne"), assure se battre "pour la défense de la terre" et "pour la souveraineté alimentaire".
En février et mars, plus au sud, les agriculteurs espagnols avaient déjà coupé cet axe autoroutier.
"C'est pour mettre un coup de pression avant les européennes", résume Jean Henric, viticulteur de 30 ans, au blocage sur l'A9. "On a l'impression que les promesses ont été faites dans le vent. Si rien ne bouge on se remobilisera à l'automne prochain", prévient-il.
cor-skh-vgr-dmc/or