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Le procès d'un retraité accusé d'avoir pendant près de dix ans drogué sa femme et recruté des inconnus pour la violer à leur domicile se poursuit en France.
Droguée aux somnifères par son mari qui recrutait des inconnus sur internet pour la violer, Gisèle Pelicot, 71 ans, n'avait jamais réalisé que depuis 2011 des dizaines d'hommes abusaient d'elle. Depuis l'ouverture du procès, les différents médias français avaient choisi de ne pas donner ce nom de Pelicot, pour protéger la vie privée des trois enfants et six petits-enfants du couple. Mais ceux-ci ont fait savoir jeudi, via leurs avocats, qu'ils souhaitaient désormais que leur patronyme soit connu car il est devenu "celui du courage incarné" par leur mère et grand-mère.
"Je n'ai pas à avoir honte"
Conformément au souhait de la victime, le huis clos a été refusé lundi. "Les débats seront publics", avait tranché Roger Arata, président de la cour criminelle de Vaucluse, composée de cinq magistrats professionnels, après une courte suspension de séance lundi matin. Même s'il y aura "des moments extrêmement difficiles", Gisèle P. , 72 ans, "estime qu'elle n'a pas à se cacher", qu'elle "n'a pas à avoir honte": "il faut que la honte change de camp", a réagi Me Stéphane Babonneau, un des deux avocats de l'épouse, désormais en instance de divorce, du principal accusé.
Le ministère public avait défendu sa demande de huis clos en rappelant que des vidéos des faits, filmées par le mari, seraient "nécessairement visionnées" et que "non seulement la publicité des débats serait dangereuse mais (elle) porterait aussi atteinte à la dignité des personnes". "Il ne faut pas que ce soit un spectacle", avaient également demandé certains avocats des coaccusés, au nombre de 50.
Avant même la décision de la cour, Gisèle P., très digne à son arrivée et durant toute cette première journée d'audience, avait fait savoir qu'elle souhaitait "une publicité complète" de ce dossier, une publicité "totale, jusqu'au bout". Une position partagée par les trois enfants du couple, tous parties civiles, dont l'AFP a décidé de préserver l'anonymat, afin de protéger leur vie privée et celle de leurs six enfants respectifs. Débutée lundi vers 09h40, en retard, en raison notamment de la pression médiatique autour de ce dossier mais aussi du nombre conséquent d'accusés, l'audience a été suspendue peu avant 15h00.
Les débats reprendront mardi matin avec la lecture du long et très cru rapport d'enquête par le président de la cour. Lundi matin déjà, Caroline, la fille de la victime, a dû quitter l'audience, en pleurs. Jeudi, elle a dit toute l'admiration qu'elle avait pour sa mère. "Elle fait preuve d'une dignité et d'un courage qui forcent le respect. Voilà, je suis très fière d'elle", a dit Caroline Darian.
"Je pense avoir tout dit"
A l'issue de son audience, Gisèle Pelicot s'est exprimé à la presse. "Je pense avoir dit tout ce que je pouvais dire [au tribunal], a-t-elle déclaré. Ce n'est pas évident bien évidemment, c'est un exercice de style qui n'est pas facile, et puis il y a aussi la pression de tous ces individus qui sont derrière moi, et je sens bien qu'on essaie au niveau des questions de me piéger bien évidemment, donc j'essaie de répondre le mieux possible, et puis il va falloir se battre jusqu'au bout bien sûr parce que ce procès va durer quatre mois."
"Ce sont des scènes de barbarie, d'horreur pour moi"
"Les policiers m'ont sauvé la vie en investiguant l'ordinateur de monsieur P.", tel qu'elle qualifie désormais son mari (Dominique Pelicot, ndlr), a affirmé jeudi Gisèle P., au procès des viols de Mazan, abusée pendant dix ans par son époux et des dizaines d'hommes recrutés par ce dernier. "Mon monde s'écroule, pour moi tout s'effondre, tout ce que j'ai construit en 50 ans", a-t-elle témoigné devant la cour criminelle de Vaucluse à Avignon, en racontant ce moment où, le 2 novembre 2020, les enquêteurs lui montrent les images des abus sexuels orchestrés et filmés par son mari, qui l'assommait de somnifères pour qu'elle ne se rende compte de rien.
Sur la photo, "je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer. C'est des scènes de barbarie. Mon monde s'écroule, tout s'effondre, tout ce que j'ai construit en 50 ans. Franchement, c'est des scènes d'horreur pour moi". "Ils me considèrent comme une poupée de chiffon", ajoute cette femme de 71 ans, expliquant avoir attendu le mois de mai 2022 pour accepter de regarder les vidéos.
Debout à la barre, jeudi matin, face à la cour composée de cinq magistrats professionnels pour juger 51 accusés, le père de ses enfants, avec qui elle est en cours de divorce, et 50 autres hommes accusés de l'avoir violée pendant dix ans, de 2011 à 2020, Mme P. raconte, précisément, sans buter sur les mots.
"Et qu'on ne me parle pas de scènes de sexe, ce sont des scènes de viols, je n'ai jamais pratiqué le triolisme ni l'échangisme, je tiens à le dire", poursuit Gisèle P., répondant indirectement aux questions posées mercredi au directeur d'enquête par les avocats de certains accusés, qui maintiennent avoir seulement participé au scénario d'un couple libertin. "Je suis comme un boxeur qui tombe et à chaque fois je dois me relever", insiste la victime, qui décrivait encore son mari comme "un chic type", "un super mec" au policier qui l'avait convoquée ce jour-là, avant qu'il ne lui montre les photos. Elle le présente désormais d'un laconique "monsieur P.".
Ce 2 novembre 2020, elle refuse de regarder les vidéos dont disposent les enquêteurs. Près de 4.000 photos et vidéos ont été retrouvées sur les divers ordinateurs, clefs USB ou disques durs de son mari. Les images des quelque 200 viols qu'elle a subis en dix ans, d'abord en région parisienne, mais surtout à Mazan, cette commune du Vaucluse où le couple avait déménagé en mars 2013.
Dans le box des détenus, "monsieur P." reste tête baissée.