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Un score divisé par deux, huit élus en moins au Parlement européen et beaucoup d'incertitudes en vue des législatives: la liste emmenée par Marie Toussaint a enregistré dimanche des résultats en net recul (6e avec 5,5%), particulièrement visibles dans les villes dirigées par des municipalités écologistes.
Onze mille voix en moins à Lyon, 10.000 à Strasbourg, 6.000 à Bordeaux: dans ses fiefs conquis aux municipales de 2020, où il s'était systématiquement classé deuxième des élections européennes de 2019, Europe Ecologie Les Verts a perdu plusieurs milliers d'électeurs en l'espace de cinq ans.
Le parti se classe en quatrième position à Grenoble, cinquième à Strasbourg, Besançon, Tours, ou Poitiers, et sixième à Annecy, là où il se positionnait en première force de gauche en 2019. A chaque fois, il arrive derrière le Parti socialiste et La France insoumise.
"Le vote écologiste s'est affaissé à cause de l'idée du vote utile qui était surtout autour de Raphaël Glucksmann, voire de LFI, pour faire contrepoids à la liste macroniste et pour montrer des forces démocratiques face à la poussée du Rassemblement national", analyse Sylvie Ollitrault, directrice de recherche au CNRS.
"Il faut avoir en tête que les électeurs de la gauche écologistes n'appartiennent à aucun parti en réalité, ils sont obligés de choisir chaque fois que la gauche est désunie", concède ainsi le maire de Tours, Emmanuel Denis, reconnaissant sa "déception" devant le score des Verts, qui ont reculé de près de 10 points dans sa ville, par rapport à 2019.
A l'inverse, le parti n'arrive pas toujours à concurrencer ses adversaires sur certains sujets, notamment les questions internationales. Selon la chercheuse, la "dramatisation du scrutin", souvent présenté comme "le plus important" de l'histoire des élections européennes, dans le contexte de la guerre en Ukraine et à Gaza, a également pesé sur le résultat des écologistes, qui enregistrent leur pire score aux européennes depuis 30 ans.
- "Ecolo-bashing" -
La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, déplore un débat public "qui s'est concentré sur les thématiques d'extrême droite". "Il y a eu une forme de violence à l'égard de l'écologie, une forme d'écolo-bashing, alors même que ces problématiques n'ont jamais été aussi présentes", a-t-elle déclaré au quotidien régional Les Dernières Nouvelles d'Alsace.
Pour Sylvie Ollitrault, le scrutin révèle la "fragilité inhérente du parti" et ses difficultés à attirer, sur un même programme, les militants chevronnés de la cause environnementale, mobilisés contre les méga-bassines ou le chantier de la future autoroute A69, et les électeurs peu engagés politiquement.
"C'est un parti qui se dit proche des mouvements sociaux, qui porte cette radicalité et donc fâche tout un électorat plutôt modéré", souligne-t-elle. "Et inversement, c'est un parti qui s'est institutionnalisé, avec des leaders qui font carrière en politique, qui peuvent être pris à partie par des militants radicaux et plutôt anti-système."
Selon elle, l'exercice du pouvoir par certaines municipalités vertes, "en favorisant les mobilités douces, en transformant les centres urbains", a pu aussi "contrarier certains électeurs qui ne s'y retrouvent pas, qui trouvent que ça va trop vite", et faire perdre aux écologistes une partie de leur soutien populaire.
- "Front populaire et écologiste" -
Conscients de ces faiblesses, de nombreuses figures du parti ont appelé à une alliance de la gauche en vue des prochaines élections législatives, après la dissolution de l'Assemblée nationale.
"Seule une union large peut préfigurer l'ouverture d'un espoir, d'un horizon social et écologique pour nos habitants", soutient ainsi Bruno Bernard, le président de la métropole de Lyon, qui appelle à la formation d'un "véritable Front Populaire et Écologiste".
Mais le groupe écologiste, qui comptait jusqu'ici 21 députés, pourrait cependant se retrouver affaibli dans d'éventuelles négociations avec d'autres formations politique.
"Si on reste sur l'impression des élections européennes, l'écologie apparaît relativement moins ancrée qu'en 2022, où le parti surfait sur la vague des municipales et d'un certain nombre de scrutins où il ne s'était pas trop mal défendu", observe Sylvie Ollitrault. "Là, ça s'annonce plus compliqué, même si les législatives, c'est une autre forme de scrutin."