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Au procès des viols de Mazan, les conditions de diffusion des vidéos divisent

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Christophe SIMON

Les avocats de Gisèle Pelicot ont déploré vendredi les restrictions imposées à la diffusion des vidéos mettant en cause les accusés, appelant au contraire à "avoir le courage de se confronter" à la réalité du viol dans un procès qui doit "changer la société".

Des avocats des 51 accusés se sont demandé si "pour bien passer la justice a besoin de déballage nauséabond".

Jeudi après-midi, des photos et vidéos avaient pour la première fois été diffusées à l'audience, sans public mais en présence de la presse, montrant Dominique Pelicot, le principal accusé, et Jacques C., l'un de ses 50 coaccusés, pratiquer des actes sexuels sur l'épouse du premier, Gisèle Pelicot, visiblement inconsciente.

Dominique Pelicot a reconnu l'avoir droguée pour la violer et la faire violer par d'autres jugés à Avignon devant la cour criminelle de Vaucluse.

Vendredi, à la fin de la troisième semaine de ce procès ouvert le 2 septembre, l'avocat général, Jean-François Mayet, a surpris en souhaitant, dès la reprise des débats, que, "pour l'ensemble des accusés, ces images soient regardées par (la) cour, en tous cas les plus représentatives".

Écartant tout "sensationnalisme", il a souligné que "sans ces éléments de preuve, il n'y aurait pas ce procès", à propos des milliers d'images enregistrées et méticuleusement archivées par Dominique Pelicot et qui ont largement contribué au travail des enquêteurs.

"Madame Pelicot ne se souvient de rien. Et quand bien même elle se souviendrait de certaines choses, sa parole aurait été très largement discutée et contestée", a-t-il relevé.

- "S'abreuver du sang" -

Les parties civiles "souscrivent totalement" à cette demande, a indiqué l'un de leurs avocats, Stéphane Babonneau. Le conseil de Dominique Pelicot, Me Béatrice Zavarro, avait aussi marqué son accord.

Mais une demi-douzaine d'avocats des autres accusés s'y sont opposé.

"La demande de l'avocat général n'est pas pour votre cour, elle est pour ceux qui, au-dehors, cherchent à s'abreuver du sang qui découle de cette justice", a tonné Paul-Roger Gontard, avocat de Cyrille D., l'accusé dont le cas était entendu vendredi.

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Benoit PEYRUCQ

L'avocat a estimé qu'il était possible de procéder "grâce aux descriptifs des vidéos faites par les enquêteurs".

"Il faut savoir de quelle justice on rêve au XXIe siècle. Pas de celle qui se passe sur les réseaux sociaux, pas de celle qui a pour objet de fouetter le sang, au risque d'embrumer les esprits", a abondé son confrère Olivier Lantelme, qui défend un autre accusé.

Après une demi-heure de réflexion, le président de la cour, Roger Arata, a annoncé que les diffusions "ne seront pas systématiques", rejetant la demande du parquet et de la principale victime.

"S'il doit être envisagé la diffusion d'une ou plusieurs vidéos, cela se fera à la demande d'une ou plusieurs parties", a tranché le magistrat, seul habilité à prendre cette décision.

Il a immédiatement précisé que "considérant que ces images sont indécentes et choquantes, cela se fera en présence des seules parties au procès et de la cour", excluant en conséquence la présence du public mais aussi des journalistes.

- "Ne pas avoir peur" -

Cette décision a été mal acceptée les conseils de Gisèle Pelicot, devenue une icône internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre la soumission chimique.

"Nous estimons qu'il ne faut pas avoir peur de se confronter au viol comme Gisèle Pelicot a décidé de le faire lorsqu'elle a décidé tout d'abord de visionner ces vidéos" puis que le procès des viols de Mazan se tienne "de manière publique", a déclaré à la presse Me Babonneau.

"C'est un procès qui a le pouvoir de changer la société. Mais pour que cette société change, il faut qu'on ait le courage de se confronter à ce qui est véritablement le viol, dans un dossier où il est exceptionnel d'avoir justement la représentation précise et réelle de ce qu'est un viol, et pas simplement une description sur un procès verbal", a-t-il ajouté.

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Benoit PEYRUCQ

"Ici, même la presse se voit refuser l'accès à ces vidéos pour pouvoir les commenter, alors qu'elles sont pourtant au centre des débats", a regretté l'autre avocat de Mme Pelicot, Me Antoine Camus, qui a précisé à l'AFP qu'il n'y avait pas de recours possible.

"On a des images abjectes et insupportables, est-ce qu'on a besoin de voir ces images pour bien juger?", s'est pour sa part interrogé Olivier Lantelme, contacté par l'AFP.

Vendredi, aucune des parties n'a demandé de visionner la vidéo montrant les actes du coaccusé Cyrille D., 54 ans.

Cet homme sans casier judiciaire, recruté sur le forum libertin coco.fr par Dominique Pelicot, a confirmé qu'il reconnaissait avoir "passé outre" la question du consentement de Gisèle Pelicot en pratiquant sur elle plusieurs pénétrations.

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