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Victorieuse aux Pays-Bas fin 2023, première dans les sondages en France ou en Flandre, l'extrême droite reste totalement marginalisée en Wallonie, le sud francophone de la Belgique, où les médias refusent d'interroger en direct ses représentants.
Selon les experts, ce "cordon sanitaire médiatique", qui n'existe pas dans le nord néerlandophone du pays, est une des principales raisons expliquant que l'extrême droite n'a pas d'élu wallon.
Il n'est toutefois pas exclu que la situation évolue au soir du 9 juin, jour où la Belgique renouvellera tous ses Parlements, en même temps que le vote pour les européennes.
Voici une tentative de décryptage de ce particularisme.
- L'histoire du "cordon sanitaire" -
L'expression peut se résumer à une entente entre les partis politiques dits traditionnels (chrétiens-démocrates, centristes, libéraux, socialistes, écologistes) pour qu'aucune majorité politique n'intègre l'extrême droite, dans ce pays gouverné par des coalitions.
C'est valable pour tous les niveaux de pouvoir, de la commune à l'Etat fédéral en passant par les régions.
La singularité en Belgique francophone est qu'en plus de ce cordon "politique" s'applique un équivalent "médiatique".
"Les journalistes ne leur tendent pas le micro en direct ce qui empêche les partis d'extrême droite d'être entendus à des moments de grande audience et connus de la majorité des Wallons", fait valoir François Debras, professeur de sciences politiques à l'université de Liège (est).
Le cordon sanitaire politique est apparu au moment de la percée du Vlaams Blok (ancêtre du Vlaams Belang, le parti d'extrême droite flamand) aux élections communales de 1988, souligne le Centre de recherche et d'information socio-politiques (Crisp).
La mobilisation s'accentue et s'élargit à toute la Belgique à partir des années 1990, quand le Vlaams Blok multiplie par six (de deux à douze) son nombre de députés fédéraux fin 1991, et avec l'irruption du Front national belge côté francophone.
Le discours anti-immigration de ces deux formations est jugé par les autres contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme. L'argument reste la pierre angulaire des "chartes" prônant leur exclusion de toute majorité.
- Le tissu associatif wallon -
En l'espace de trois décennies, l'extrême droite wallonne n'a jamais occupé que deux sièges à la Chambre des représentants, un décroché en 1991 par le FN belge et un autre en 2010 avec le Parti populaire, deux partis à l'existence éphémère aujourd'hui disparus.
Selon les analystes, le sentiment identitaire est bien moins mobilisé par les acteurs politiques en Belgique francophone qu'en Flandre ou en France.
L'identité wallonne est difficile à définir, et "si elle existe, elle se définira plutôt en réaction aux autres", notamment aux Flamands favorables à l'indépendance de leur région, relève l'expert de l'université de Liège.
Autre argument: la vitalité du "tissu" associatif et militant, grâce auquel la population se sent encadrée, représentée et écoutée, formant une sorte de "contre-pouvoir", dit à l'AFP Raoul Hedebouw, président du Parti du travail de Belgique (communiste).
En Wallonie, des syndicats organisent des ateliers et des formations, par exemple sur la citoyenneté, qui contribuent à la lutte contre l'extrême droite.
"La présence de ces corps intermédiaires permet de limiter l'influence des discours racistes ou extrémistes, (...) cela combat le sentiment de perte de lien et de perte d'inclusion", souligne François Debras.
- Le pari de Chez Nous -
C'est le nouveau venu sur la scène politique belge depuis les dernières élections de 2019: Chez Nous, créé en 2021 avec le parrainage du Vlaams Belang (VB) et du Rassemblement national (RN) français, se présente comme "le seul parti patriote en Wallonie" et entend combler cet espace politique aujourd'hui inoccupé à la droite de la droite.
Le parti n'est pas encore testé dans les grands sondages. Il ne concourt pas pour les européennes à l'inverse du VB en Flandre, mais compte faire son entrée au Parlement de Wallonie et à la Chambre, au niveau fédéral, où un seul siège lui ouvrirait l'accès aux financements politiques.
"Un député fédéral c'est l'objectif dans un premier temps. On aura ensuite cinq ans pour se développer", a déclaré à l'AFP Noa Pozzi, responsable de Chez Nous pour la région de Liège.
Absente des médias, la formation a beaucoup investi dans la communication sur les réseaux sociaux, où ses posts ont eu au premier trimestre une portée presque équivalente à ceux du chef du Mouvement réformateur (libéral francophone) Georges-Louis Bouchez, selon les mesures d'un institut spécialisé.