Partager:
Le ministre des Finances britannique Jeremy Hunt a dévoilé jeudi un budget de rigueur pour redresser les finances du Royaume-Uni, donnant la priorité à la stabilité des finances publiques et la lutte contre l'inflation malgré la récession déjà là et le niveau de vie qui dégringole.
"J'ai essayé d'être juste en demandant à ceux qui ont plus de contribuer plus", a fait valoir M. Hunt, au ton sobre, devant le Parlement.
Le nouveau ministre des Finances avait la lourde tâche de rassurer des marchés échaudés par les annonces budgétaires massives non financées de la précédente Première ministre Liz Truss, qui avaient fait plonger la livre sterling à son plus bas historique et s'envoler les coûts d'emprunt de l'Etat et des Britanniques.
En énumérant un ensemble de mesures de 55 milliards de livres au total, il a mentionné l'abaissement du seuil le plus élevé de l'impôt sur le revenu, et un relèvement de la taxe sur les revenus exceptionnels des géants pétroliers et énergétiques.
Un peu moins de la moitié de cette somme viendra des hausses d'impôts, le reste d'une réduction des dépenses, sauf dans la Santé et l'Education : "la politique budgétaire va être resserrée nettement l'an prochain, amplifiant une récession déjà en cours", estiment les économistes de Pantheon Macro.
Le pays est déjà en récession et le produit intérieur brut devrait se contracter encore d'1,4% l'an prochain, prévoit l'OBR, l'organisme de prévision budgétaire public. L'institut prévoit aussi une hausse du chômage.
De quoi refroidir les investisseurs, et la livre chutait face au dollar depuis l'intervention de M. Hunt, même si les taux d'emprunt de l'Etat étaient stables.
- Le niveau de vie dégringole -
Le traitement indigeste de M. Hunt pour juguler l'inflation et redonner confiance aux marchés rappelle aux Britanniques les heures sombres de la crise financière de 2008 et 2009, qui avait été suivie d'une cure d'austérité aux conséquences durables sur les services publics, et particulièrement le système de santé chroniquement sous-financé.
Le ministre a attribué le panorama morose dans le pays à des facteurs mondiaux: la pandémie de covid et la crise énergétique générée par la Russie et son invasion de l'Ukraine.
Mais le Royaume-Uni souffre aussi de l'impact du Brexit qui plombe le commerce et la productivité.
Lors d'une conférence de presse, le président de l'OBR Richard Hughes a pour sa part épinglé l'instabilité politique et fiscale, qui a également pesé sur le climat des affaires.
A cause de la flambée des taux d'emprunt, la part des dépenses publiques avalées par les intérêts de la dette atteignent un "sommet en une génération".
La flambée de l'inflation, à 11% actuellement, va faire "chuter de 7% le niveau de vie" au Royaume-Uni en deux ans, malgré les aides gouvernementales, "effaçant huit années de progrès", constate l'OBR.
Les entreprises aussi se débattent avec les factures qui grimpent et les pénuries de travailleurs, à l'image de Gursel Kirik, gérant d'un café dans le centre de Londres: "chaque semaine, tout ce que nous achetons augmente (...) J'ai vraiment peur d'être obligé de fermer", a-t-il confié à l'AFP.
Outre la hausse de la taxe exceptionnelle sur les profits des géants énergétiques, M. Hunt a aussi annoncé "une nouvelle taxe temporaire de 45% sur les producteurs d'électricité".
Une réduction des seuils d'imposition des taxes des dividendes et sur les plus-values viendra aussi augmenter les recettes fiscales, et la baisse d'une taxe consentie sur les transactions immobilières sera limitée dans le temps.
La Santé et l'Education tirent leur épingle du jeu et voient leurs budgets augmenter, mais les autres ministères verront la hausse de leurs dépenses ralentir au cours des cinq prochaines années pour générer 30 milliards de livres d'économies.
Rares bonnes nouvelles: les retraites vont être revalorisées au rythme de l'inflation, tout comme certaines allocations, et le salaire minimal va augmenter.
La responsable travailliste de l'opposition Rachel Reeves a déploré une "pagaille" découlant "d'un chaos de 12 semaines" lors de l'éphémère mandat de Liz Truss, mais aussi de "douze ans d'échec économique conservateur".
Le syndicat Unite a pour sa part fustigé un budget "d'austérité, qui frappe les travailleurs ordinaires" de hausses d'impôts furtives.
La SMMT, le lobby automobile, déplore quant à lui une nouvelle taxe sur des véhicules électriques, qui risque de décourager leur adoption et retarder la transition énergétique.