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Inclusivité: au Royaume-Uni, une agence de mannequins fait bouger les lignes

Introduire plus de diversité sur les podiums et dans la publicité, c'est la mission que s'est donnée l'agence britannique de mannequins Zebedee. Modèles avec un handicap visible, transgenres, depuis sept ans, elle fait bouger les lignes dans un milieu de la mode encore très formaté.

Sur les podiums de la Fashion Week de Londres, qui a démarré vendredi, il n'est plus exceptionnel de voir défiler des mannequins de toutes origines ethniques.

Selon un rapport publié en janvier, ils représentent désormais la moitié des modèles, contre 14% il y a seulement 10 ans.

"Mais si on considère le handicap, il est encore incroyablement rare de voir quelqu'un avec un handicap, que ce soit à Londres, Paris, Milan ou New York", explique à l'AFP Laura Winson.

Ancienne travailleuse sociale, alors en contact avec des personnes handicapées, elle a fondé en 2017 l'agence Zebedee, avec sa belle-soeur Zoe Proctor, ex-mannequin.

"Nous l'avons lancée parce que nous sentions qu'il y avait un manque de représentation dans la mode et les médias", explique-t-elle.

Zebedee fonctionne comme toutes les autres agences, sauf que tous ses modèles possèdent une "différence visible". Certains sont en fauteuil roulant, ont une atrophie d'un ou plusieurs membres, sont albinos, trisomiques...

Selon l'ONU, 15% de la population mondiale, soit 1 milliard de personnes, vivent avec une forme de handicap.

"Et pourtant, des chiffres montrent qu'environ 1% des personnes apparaissant dans des publicités ont un handicap. Et le pourcentage est encore bien plus faible sur les podiums", pointe Laura, dont l'agence recrute aussi des modèles transgenre.

Cette année à la Fashion Week de Londres, deux mannequins de Zebedee, fouleront les podiums: Vic, jeune femme en fauteuil roulant qui défile pour Gasanova, et Oscar, homme transgenre avec un syndrome autistique, qui défilera pour Helen Kirkum.

Une petite victoire pour Laura, après des années d'un démarchage acharné pour convaincre les designers et les marques, et leur expliquer les avantages à introduire davantage de diversité.

"La première raison, c'est que c'est moralement la bonne chose à faire. Tout le monde devrait pouvoir bénéficier de la même égalité des chances (...) Ensuite, on peut faire des campagnes incroyablement créatives (...) et nos mannequins travaillent très bien", explique-t-elle.

"Et puis la troisième raison, et qui est ce qui intéresse la plupart des clients, c'est l'aspect financier", car les personnes handicapées représentent un marché important.

Pour Zebedee, le succès a vraiment commencé en 2020, lorsqu'une de leurs mannequins, Ellie Goldstein, atteinte du syndrome de Down (trisomie 21) est choisie par Gucci pour incarner la marque.

Depuis, Ellie Goldstein a fait la Une du Vogue britannique en mai dernier, et Zebedee représente plus d'un millier de mannequins en Europe, aux Etats-Unis ou en Australie.

- "vrai changement" -

Junior B, Britannique qui utilise le pronom non-binaire iel, a commencé à travailler avec l'agence en 2020. Atteint du syndrome d'Ehlers-Danlos, iel se déplace le plus souvent en fauteuil roulant.

"Avant d'être mannequin je pensais qu'aucun métier n'était possible pour quelqu'un comme moi", raconte Junior B à l'AFP, même s'iel avait déjà fait des publicités très jeune.

"Je pense qu'il y a un vrai changement en cours". "Certaines marques ont vraiment compris" l'importance d'être plus inclusives, notamment parmi les plus petites "ou celles où des personnes plus jeunes sont aux commandes", se réjouit Junior.

Mais, pour Laura Winson, l'évolution reste trop lente.

"Tout le monde nous connaît (...) Ils peuvent engager nos mannequins handicapés s'ils le veulent (...) Mais pour une raison quelconque, cela n'arrive pas. J'en arrive au point où (je pense que) les marques devraient rendre des comptes", affirme-t-elle.

A Londres, réputée pour ses jeunes créateurs innovants, une designer comme Sinead O'Dwyer est connue pour ses défilés plus inclusifs.

"En termes d'inclusion, nous sommes la première capitale de la mode depuis plusieurs saisons", vante ainsi la directrice du British Fashion Council, Caroline Rush.

"Les podiums londoniens sont très différents de ceux des autres capitales de la mode. Ils reflètent véritablement la société londonienne", ajoute-t-elle. Mais elle reconnait qu'"il y a encore beaucoup de travail à faire", pas seulement sur le devant de la scène mais dans les coulisses, dans toute l'industrie de la mode.

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