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Dans son jardin de Tchorvila, village niché dans les montagnes du Caucase, au nord-ouest de la capitale géorgienne, Mamia Machavariani remplit une bouteille de tchatcha fait maison, un alcool fort local, tout en chantant les louanges du milliardaire Bidzina Ivanichvili.
"Personne n'en a fait autant que lui pour la Géorgie", affirme le cinquantenaire, devant sa maison avec vue sur cette bourgade tranquille où les vaches broutent en bord de route, à 160 km de Tbilissi.
Le milliardaire et fondateur du parti Rêve géorgien, aux commandes de la Géorgie depuis 2012, est peut-être la bête noire des manifestants pro-occidentaux qui ont défilé dans les rues de la capitale ces dernières semaines, mais ici, dans son village natal, il est vénéré.
Aucun portrait de lui nulle part, conformément à la discrétion du personnage, mais le drapeau du Rêve géorgien - bleu avec une étoile dorée en son centre - flotte sur l'hôtel de la localité d'un millier d'âmes. Et à l'évocation de l'homme le plus riche de Géorgie, les habitants ne tarissent pas d'éloges sur ses dons à l'hôpital et à l'école locales.
"Je ne le connais pas personnellement, mais je place de grands espoirs en lui", dit M. Machavariani, citant les nombreux projets immobiliers lancés par Bidzina Ivanichvili à travers le pays.
Le milliardaire, Premier ministre de 2012 à 2013, est notamment célèbre pour son "château de verre" - surnommé "glassle" - sa luxueuse résidence qui domine la vieille ville de Tbilissi et lui a valu de nombreuses critiques dans la capitale.
Mais M. Machavariani n'hésite pas une seconde à prendre la défense de son héros.
"La Géorgie a tendance à oublier sa gentillesse pour ne voir que le négatif", dit-il. "Il y a une croix sur la colline, puisse-t-elle veiller sur lui. Puisse Dieu donner à la Géorgie une dizaine de personnes comme Bidzina".
- "Il est notre dieu"
Cet homme de l'ombre est une figure particulièrement clivante dans l'ex-république soviétique du Caucase. Lui qui a fait fortune en Russie dans les années 1990, dont la richesse équivaut à près du quart du PIB de son pays, est accusé d'éloigner la Géorgie de l'Union européenne et de faire le jeu de Moscou.
Lors d'une rare apparition publique, il s'est adressé en avril à Tbilissi à une manifestation de sympathisants pour défendre, avec force arguments anti-occidentaux, la très polémique loi sur "l'influence étrangère".
Le texte, calqué sur une loi russe utilisée pour faire taire toute opposition, a été définitivement adopté mardi, malgré des semaines de manifestations de l'opposition et un veto présidentiel.
Non loin de Tchorvila, dans la ville de Sachkhere, des voitures de police stationnent devant le siège local du Rêve géorgien. Rares sont les habitants prêts à parler à des journalistes étrangers.
Les responsables de l'hôpital indiquent ne pas être disponibles pour répondre aux questions de l'AFP. La mairie accepte une demande d'interview, avant de changer d'avis.
"Je ne regarde ni n'observe les évènements politiques", affirme Ketevan Torochelidzé, 46 ans, vendeuse de glaces sur le marché local. "La seule chose qui m'intéresse, c'est de soutenir le Rêve géorgien et que la Géorgie reste en paix", dit-elle.
C'est l'un des principaux arguments du Rêve géorgien pour justifier sa proximité avec Moscou: que la politique pro-occidentale prônée par l'opposition pourrait conduire la Russie à ouvrir "un deuxième front" en attaquant la Géorgie, comme elle a attaqué l'Ukraine.
Pour Ketevan Torochelidzé, le discours porte.
"Les gens ont un travail, et nous menons une vie tranquille avec nos familles", se félicite-t-elle.
Un autre habitant, prénommé Murmani, 53 ans, s'en prend aux détracteurs du milliardaire.
"Bidzina a tout transformé, il est notre dieu, il est d'ici, que Dieu le bénisse", dit-il. "Il a tout fait, ce sont eux (ses détracteurs, ndlr) qui l'empêchent, lui et le Rêve géorgien, d'en faire plus."