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Des dizaines de milliers de manifestants sont à nouveau descendus dans la rue mercredi soir en Géorgie pour protester contre le projet de loi controversé sur l'"influence étrangère", adopté en deuxième lecture par le Parlement malgré la mobilisation massive de ses détracteurs.
Ce pays du Caucase est en proie à des manifestations antigouvernementales depuis le 9 avril, après que le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, a réintroduit ce projet de loi perçu comme une entrave aux aspirations de Tbilissi à rejoindre l'Union européenne.
Les députés ont voté mercredi à 83 pour et 23 contre ce texte que le Rêve géorgien compte adopter définitivement d'ici mi-mai, malgré trois semaines de mobilisation dans la rue de ses opposants.
Le texte doit encore passer une troisième lecture et la présidente Salomé Zourabichvili, en conflit avec le parti au pouvoir, devrait y opposer son veto. Le Rêve géorgien dispose cependant d'assez de voix pour pouvoir passer outre.
Comme la veille, les manifestants se sont rassemblés mercredi soir devant le Parlement en brandissant des drapeaux géorgiens et européens, tandis que résonnait l'Ode à la joie, l'hymne de l'UE, a constaté un journaliste de l'AFP.
La police, qui avait la veille dispersé les manifestants à coup de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, a délogé cette fois avec du gaz poivre et des canons à eau un petit groupe de manifestants qui tentaient de bloquer l'entrée latérale du Parlement.
Le reste du rassemblement s'est poursuivi de manière pacifique dans la soirée.
"Leur violence insensée est futile. La manifestation ne fera que s'amplifier car la colère populaire grandit contre notre gouvernement", a commenté l'un des manifestants, Tato Gachechiladzé, 20 ans.
- "Garder le cap" vers l'UE -
"La Géorgie appartient à l'Europe et nous ne tolérerons pas des lois russes et un gouvernement prorusse", a-t-il ajouté.
Le texte controversé s'inspire d'une législation russe utilisée par le Kremlin pour réprimer les voix dissidentes.
Le ministère de l'Intérieur a assuré que la police avait utilisé "les moyens spéciaux prévus par la loi - gaz poivre et canons à eau - afin de rétablir l'ordre public".
L'Union européenne a condamné la "violence" de la police lors de la nuit précédente durant laquelle des journalistes, dont un photographe de l'AFP, ont été pris pour cible. Une soixantaine de manifestants ont aussi été arrêtés.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a indiqué mercredi suivre avec "une vive inquiétude" les manifestations, appelant Tbilissi à "garder le cap" vers l'UE.
Pour les Etats-Unis, "cette loi et la rhétorique anti-occidentale du Rêve géorgien placent la Géorgie sur une trajectoire précaire".
"L'usage de la force pour réprimer des rassemblements pacifiques et la liberté d'expression est inacceptable, et nous exhortons les autorités à permettre aux manifestants non-violents d'exercer leur droit à la liberté d'expression", a déclaré dans un communiqué le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller.
De son côté, le ministère français des Affaires étrangères a dit suivre la situation "avec préoccupation" et déplorer "les violences contre les manifestants après l'adoption de la loi sur l'influence étrangère".
"La Géorgie doit poursuivre ses efforts pour se rapprocher de l'Union européenne conformément au souhait de sa population", a déclaré jeudi le Quai d'Orsay dans un message publié sur X.
Des rassemblements similaires ont eu lieu cette semaine dans tout le pays, notamment à Batoumi, la deuxième ville de Géorgie, et à Koutaïssi, la principale ville de la région occidentale d'Imereti.
Si cette loi est adoptée, elle exigera que toute ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20% de son financement de l'étranger s'enregistre en tant qu'"organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère".
Le gouvernement assure pour sa part que cette mesure est destinée à obliger les organisations à faire preuve de davantage de "transparence" sur leurs financements.
Une première version du texte avait été abandonnée l'année dernière après des manifestations de rue d'ampleur.
Ces troubles surviennent à quelques mois d'élections législatives, en octobre, considérées comme un test important pour la démocratie dans cette ex-république soviétique habituée aux crises politiques.
En décembre, l'UE a accordé à la Géorgie le statut de candidat officiel, mais a déclaré que Tbilissi devrait mener des réformes de ses systèmes judiciaire et électoral, accroître la liberté de la presse et limiter le pouvoir des oligarques avant que les négociations d'adhésion ne soient officiellement lancées.