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Le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou, visé par une polémique sur l'accord sur les fins de carrière des cheminots, ne sera pas reconduit à la tête du groupe lors de son assemblée générale lundi, mais il assurera l'intérim jusqu'à la fin des Jeux olympiques et paralympiques.
Auditionné par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat quelques heures après la publication d'un communiqué du gouvernement, Jean-Pierre Farandou a tiré un premier bilan de son mandat et, surtout, défendu avec vigueur le récent accord sur les fins de carrière des cheminots qui a suscité une polémique à droite.
"On ne peut pas transformer contre ses salariés une entreprise publique de 150.000 cheminots à forte culture maison", a martelé M. Farandou, laissant poindre une certaine colère devant les sénateurs.
Ces derniers ont rivalisé de mots sévères pour qualifier l'annonce du gouvernement, le matin, de la fin du mandat de Jean-Pierre Farandou. Dans un communiqué, la commission a déploré "l'ingratitude du gouvernement" et "une décision hypocrite" tout en saluant le bilan du PDG.
Jean-Pierre Farandou, nommé PDG en 2019, a toujours fait part de son souhait de poursuivre pour un second mandat, même si, en atteignant la limite d'âge de 68 ans, il aurait été contraint d'abandonner son poste en juillet 2025.
- Pas d'impact -
La décision de ne pas reconduire M. Farandou découle d'ailleurs de cette limite d'âge, a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
"Jean-Pierre Farandou a fait un très bon travail à la tête de la SNCF", a-t-il souligné, mais "je ne retire pas un mot de ce que j'ai dit sur cet accord et j'ai besoin de savoir comment on peut le financer sans que cela ne pénalise ni le client, ni le contribuable", a répété le ministre.
L'accord, qui prévoit un échelon de rémunération supplémentaire pour les cheminots en fin de carrière et des mesures de retraite anticipée pour certaines professions comme les conducteurs ou les contrôleurs, a provoqué la colère de la droite et au sein du gouvernement, qui y a vu un contournement de la réforme des retraites.
"C'est un bon accord, qui ne contourne pas la loi sur les retraites, qui est dans les pratiques des grandes entreprises publiques et privées", a souligné M. Farandou mardi, insistant sur sont coût "raisonnable", évalué à 35 millions d'euros, sans impact pour le contribuable ni sur le prix des billets, a-t-il assuré.
Il a également nié avoir négocié en douce, comme on l'en a accusé, affirmant avoir toujours mis dans la boucle le ministère des Transports et Matignon. "Les pouvoirs publics nous ont demandé à l'automne 2023 d'engager des négociations sur la cessation d'activité sur les fins de carrière liées à la pénibilité", a-t-il même relevé.
- "Injuste" -
Cette décision soudaine, concomitante à la polémique, inquiète aussi les syndicats qui ont tous validé l'accord, chose rare à la SNCF. "J'ose espérer que le mandat du futur PDG ne sera pas de remettre en cause l'accord qu'on vient de signer, parce que ce serait un scandale", a prévenu le secrétaire général de la CGT-Cheminots, Thierry Nier.
Du côté de Sud-Rail, syndicat en pointe dans les luttes sociales à la SNCF, Fabien Villedieu a confié à l'AFP avoir "un sentiment ambivalent". "C'est un PDG avec lequel on s'est beaucoup opposés, mais je trouve que là, il y a quand même un coté un peu injuste".
"Il a fait le job, dans le sens où tu as une SNCF qui aujourd'hui génère beaucoup d'argent (...) et pour de basses raisons politiques, on le vire", a-t-il développé.
Nommé en 2019, Jean-Pierre Farandou avait pour mission principale de redresser les comptes de la SNCF et de faire appliquer la réforme ferroviaire de 2018.
Son mandat a été marqué par plusieurs crises, dont la pandémie de Covid-19, qui a mis les trains à l'arrêt pendant plusieurs mois.
Mais Jean-Pierre Farandou a ramené les comptes de l'entreprise dans le vert avec un bénéfice historique de 2,4 milliards d'euros en 2022 et à nouveau 1,3 milliard en 2023, permettant de financer des investissements, à commencer par la régénération du réseau et l'achat de nouveaux trains comme les fameux TGV M, attendus pour le second semestre 2025.