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Plus d'usines, mais pas assez de bras: la filière du biomédicament en France fait face à un important défi de recrutement de techniciens pour assurer son plein développement et réduire sa dépendance aux importations.
Plusieurs laboratoires comme Evotec, Sanofi et LFB ont récemment annoncé des investissements en France dans la production de biomédicaments (vaccins, anticorps, thérapies géniques et cellulaires) avec de nouveaux emplois à pourvoir.
Tous participeront vendredi à la première journée nationale dédiée à ce secteur de pointe, pour "préparer les emplois de demain" à coup de conférences, visites de sites, webinaires etc.
"C'est bien d'avoir des investissements mais c'est bien, à terme, d'avoir aussi les gens qui vont permettre de faire tourner" les usines, note Jacques Volckmann, président de France BioLead, l'association qui fédère la filière française de la bioproduction.
A Toulouse, Evotec Biologics, filiale du groupe allemand Evotec, a prévu un "+speed dating+ découverte des métiers" et un "aperçu virtuel" de sa nouvelle usine de bioproduction d'anticorps monoclonaux qui sera inaugurée en septembre, avec 150 emplois à la clé.
"Nous avons besoin d'experts hautement qualifiés" et "en plus de recruter localement"; l'entreprise fait appel à "des spécialistes du monde entier", précise Evotec à l'AFP.
Le lobby du médicament (Leem) estime à plus de 10.000 les postes ouverts dans les biotechnologies d’ici à 2030.
- Enjeu d'attractivité -
Plus de la moitié (59%) des médicaments en développement sont des biomédicaments et non des molécules dont le principe actif est produit par synthèse chimique.
L'Hexagone importe encore 95% des biomédicaments vendus sur son territoire.
La France, qui a augmenté de 60% ses capacités de production de biomédicaments en six ans, compte 52 sites de bioproduction sur les 130 en Europe, selon France Biolead.
"Ce développement nécessite pour la filière de recruter en masse, de créer des vocations professionnelles et de renforcer l’offre de formation", souligne l'alliance.
"L'ensemble des industriels sont unanimes pour dire qu'il manque des techniciens de laboratoires, de production, pour alimenter les capacités qu'on vient de créer au sein de la filière", constate son directeur général Laurent Lafferrère.
A Alès, l'extension du site LFB s’accompagnera de la création d’une cinquantaine d’emplois à horizon 2026.
"D’ores et déjà, le site a ouvert une quinzaine de postes à pouvoir", indique à l'AFP le laboratoire français qui recrute "des professionnels des biotechnologies, de la culture cellulaire, de la production" ainsi que "des techniciens de laboratoire qualité et des ingénieurs d’études notamment" pour garantir la conformité du produit.
- "Bonne rémunération" -
Le secteur, qui avait pris du retard, "entre dans une phase de croissance" et "il faut qu'on forme" car il nécessite "un savoir-faire très poussé", résume Émilie Renaud, responsable du marché "sciences de la vie" au cabinet de recrutement Kelly Services.
"En revanche, ça ne veut pas dire qu'on attend systématiquement des gens qui font des études longues" : "la main d’œuvre technique" est la plus recherchée.
Mais, constate-t-elle, "peu de candidats s'orientent vers ces formations, parce qu'elles sont méconnues et que le mot technicien en France est aussi assez péjoratif".
Pourtant, ces profils peuvent s'attendre à un "très bon salaire" dès l'entrée sur le marché du travail du fait de leur "expertise très poussée" et "parce qu'il y a cette pénurie qui joue en leur faveur".
La bioproduction fait face à une forte concurrence d'autres secteurs — cosmétique et agroalimentaire — qui cherchent également des techniciens de laboratoire et de maintenance.
La filière de la bioproduction fait face aussi à une "concurrence qui peut être européenne, voire internationale sur certains profils", notamment d'ingénieurs en développement des procédés.
"Ce que connaissent les gens de la bioproduction, finalement, c'est le téléthon, c'est le généthon", sans traduire ce qu'il y a derrière, note Mme Renaud.