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Mexique: la réforme judiciaire plonge l'économie du pays dans l'incertitude

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Rodrigo Oropeza

L'économie mexicaine plonge dans l'incertitude après la promulgation dimanche d'une réforme judiciaire controversée qui fait du Mexique le premier pays au monde à élire tous ses juges par un vote populaire.

La réforme constitutionnelle va affaiblir la 12e économie mondiale en "érodant" l'équilibre des pouvoirs et ses institutions, avertissent les investisseurs et des agences de notations telles que Moody's.

Le président de gauche nationaliste sortant Andrés Manuel Lopez Obrador s'est empressé de qualifier ces mises en garde de "pure fiction", rappelant les "chiffres records" d'investissements étrangers sous son gouvernement en 2023.

Quels risques ce changement constitutionnel fait-il peser sur l'économie mexicaine ?

- Quels impacts sur l'investissement ? -

La principale inquiétude des investisseurs concerne l'affaiblissement du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs exécutif et législatif, selon l'agence de notation Moody's.

"La nouvelle loi pourrait politiser les décisions de la Cour fédérale et de la Cour suprême de justice de la nation (CSJN), en plus de compromettre l'indépendance du système", a déclaré l'agence dans un rapport récent.

L'agence maintient la note Baa2 du Mexique dans la catégorie investissement, assortie d'une perspective stable, mais souligne que la réforme a un "impact négatif élevé" sur la note de sa dette souveraine.

Moody's estime qu'un "choc de confiance prolongé" pourrait "freiner l'investissement privé".

Les investissements directs étrangers (IDE) au Mexique ont battu des records en 2023 (36 milliards de dollars), soit 27% de plus qu'en 2022, s'est félicité le gouvernement Lopez Obrador.

La nervosité des investisseurs qui a précédé l'approbation de la mesure a pénalisé les actifs financiers mexicains. Le peso a chuté à son plus bas niveau depuis près de deux ans par rapport au dollar, une situation qui pourrait se prolonger dans le temps.

- Comment cela affecte-t-il le commerce et le "nearshoring" ? -

"Le gouvernement mexicain envoie un signal inquiétant sur la fragilité institutionnelle du Mexique, mettant en danger la relation avec nos partenaires commerciaux, le flux des capitaux et la croissance économique", s'est inquiétée mardi la Confédération patronale du Mexique (Coparmex).

Le Mexique est devenu en 2023 le premier partenaire commercial des Etats-Unis, destination de 80% de ses exportations.

La réforme menace la relation commerciale avec les Etats-Unis et le Canada, ses partenaires au sein du traité de libre-échange d'Amérique du Nord (T-MEC, plus de 750 milliards d'échanges en 2023).

"On craint que les décisions des juges ne tiennent pas nécessairement compte du droit mexicain et des accords juridiques que le Mexique a conclus avec les Etats-Unis et le Canada", a déclaré Jason Marczak, vice-président du Centre Adrienne Arsht pour l'Amérique latine, du groupe de réflexion américain Atlantic Council.

La reconfiguration du système judiciaire mexicain sera également à prendre en compte dans le cadre d'une future révision du T-MEC, prévue pour 2026.

"Il s'agissait déjà d'une révision très controversée, mais si nous y ajoutons cette énorme réforme (...), cela rendra le Mexique beaucoup plus vulnérable", a déclaré Carlos Ramirez, associé du cabinet de conseil Integralia.

Les inquiétudes concernent aussi l'impact sur la relocalisation au Mexique d'entreprises situées en Asie ("nearshoring"), une tendance qui s'accélère depuis la pandémie du Covid afin d'améliorer les conditions d'approvisionnement du marché des Etats-Unis.

La réforme va "faire réfléchir à deux fois les entreprises soucieuses de la sécurité juridique et économique à long terme de leurs investissements", analyse M. Marczak.

- La réforme peut-elle freiner la croissance ? -

"Il est très possible (...) que l'économie mexicaine tombe dans une longue période de stagnation", a déclaré sur X Gabriela Siller, responsable de l'analyse économique à la banque BASE, qui n'exclut pas la probabilité d'une "récession".

Le cabinet de conseil Oxford Economics a estimé que si la réforme "ne constitue pas une menace immédiate pour l'ensemble de l'économie", l'incertitude freinera les investissements, qui pourraient diminuer de 12 % par rapport aux prévisions, selon le cabinet.

Avant même que les législateurs n'approuvent la réforme, la banque centrale du Mexique a réduit ses prévisions de croissance pour cette année, passant de 2,4 % à 1,5 %.

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