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L'Union européenne s'apprête à taxer les importations de voitures électriques chinoises, mais moins fortement que les Etats-Unis, dans un exercice d'équilibre périlleux entre défense de ses intérêts économiques et refus d'une guerre commerciale avec Pékin.
De Mercedes à Ferrari, l'Europe est le berceau de marques automobiles prestigieuses. Championne des moteurs essence et diesel, elle craint pourtant de devenir un musée industriel si elle échoue à endiguer la déferlante annoncée des modèles chinois qui ont une longueur d'avance dans l'électrique.
Accusant Pékin de doper illégalement ses constructeurs sur ce marché d'avenir, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a sonné la mobilisation en septembre, en ouvrant une enquête antisubventions.
Celle-ci devrait aboutir courant juin, et au plus tard le 4 juillet, à l'augmentation des droits de douane de l'UE sur les importations de voitures électriques chinoises, actuellement à 10%.
Ces véhicules "inondent les marchés mondiaux grâce à des prix maintenus artificiellement bas par des subventions publiques massives", a affirmé Mme von der Leyen.
La Chine, elle, dénonce une démarche "protectionniste".
Cette passe d'armes s'inscrit dans un contexte plus large de tensions commerciales entre les Occidentaux, Washington en tête, et le géant asiatique, qui est accusé de détruire la concurrence dans plusieurs autres secteurs comme les éoliennes, les panneaux solaires ou encore les batteries.
Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a annoncé le 14 mai une hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois à 100%, contre 25% précédemment, transformant le marché américain en forteresse où le champion national Tesla règne sans partage.
Une semaine plus tard, Ursula von der Leyen a déclaré que la réponse européenne serait "plus ciblée" avec une taxe correspondant "au niveau du préjudice" subi.
Les droits de douane de l'UE pourraient atteindre 20% à 30%, selon les experts. De quoi freiner les importations de véhicules électriques chinois sans les bloquer complètement.
Les Vingt-Sept espèrent ainsi protéger les milliards d'euros d'investissements consentis par la filière dans la transition électrique tout en évitant un conflit mortifère avec leur deuxième partenaire économique derrière les Etats-Unis.
- Industrie européenne divisée -
La Chine "a préparé de nombreuses contre-mesures", a cependant prévenu la Chambre de commerce chinoise auprès de l'UE (CCCEU).
Pékin a déjà répliqué en janvier avec une enquête visant toutes les eaux-de-vie de vin importées de l'Union européenne, dont le cognac.
Le vin, les produits laitiers, le porc et les voitures à grosses cylindrées seraient aussi dans le viseur, selon la presse étatique chinoise.
Washington est prêt à assumer le coût d'un conflit. Les mesures américaines "s'appuient sur une priorité politique qui est d'isoler la Chine et de ralentir son développement technologique", estime Elvire Fabry de l'Institut Jacques Delors.
"L'approche européenne se concentre sur le terrain économique. Elle est fondée sur des faits établis par une enquête" et vise à rétablir des conditions de concurrence équitables, explique cette experte en géopolitique du commerce.
L'enquête intervient aussi sous pression de Washington qui cherche un front commun contre Pékin.
Fait rare, il s'agit d'une initiative de Bruxelles qui n'a pas reçu de plainte de l'industrie. Celle-ci est d'ailleurs divisée.
L'Allemagne a "pesé pour minimiser les droits de douane car ses constructeurs sont très engagés en Chine", note Elvire Fabry. Audi, BMW, Mercedes et Volkswagen y réalisent près de 40% de leurs ventes.
"Les risques d'un conflit commercial majeur sont évidents et ses conséquences doivent être prises en compte", s'inquiète un porte-parole de la fédération de l'industrie automobile allemande VDA, appelant à "une politique qui renonce aux hausses de taxes".
Du côté français, Renault, Peugeot et Citroën sont absents du premier marché mondial et Paris a poussé pour protéger la filière européenne qui emploie 14,6 millions de salariés.
La Chine, qui a doublé le Japon l'an dernier comme premier exportateur automobile mondial, a investi très tôt dans les batteries, coeur technologique des véhicules électriques dont elle a fait sa spécialité.
En Europe, les marques chinoises progressent vite grâce à des tarifs compétitifs.
Elles y sont passées de moins de 2% du marché des voitures électriques fin 2021 à près de 8% fin 2023, selon l'institut Jato, profitant de l'interdiction des ventes de moteurs essence et diesel décidée par l'UE à l'horizon 2035 pour lutter contre le réchauffement climatique.