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Chariots moins remplis, tickets scrutés... L'inflation qui sévit depuis 2020 a certes ralenti mais reste au coeur des préoccupations des Français, donnant à bon nombre le sentiment d'un déclassement que les mesures ou propositions politiques peinent à endiguer.
"Priorité" pouvoir d'achat et "factures d'électricité" pour Jordan Bardella et le Rassemblement national; "grande loi pour le pouvoir d'achat" promis par le Nouveau Front Populaire; mesures censées l'améliorer présentées par le Premier ministre Gabriel Attal... L'ensemble du spectre politique fait du budget des Français la mère des batailles pour les élections législatives à venir.
"On se demande surtout avec quels moyens ils vont tenir toutes ces promesses", a réagi lundi Catherine, retraitée n'ayant pas souhaité donner son identité, en levant le nez de son ticket à la sortie des caisses d'un hypermarché de proche banlieue parisienne.
Le gouvernement avait claironné il y a quelques mois que la crise inflationniste était "derrière nous". Mais si l'inflation a décéléré, après notamment 20% de hausse en deux ans dans l'alimentaire, les prix continuent en moyenne d'augmenter, et de peser sur le budget et le moral des Français.
- Sentiment "quotidien" de déclassement -
"On voit dans les chiffres européens que le pouvoir d'achat a bien résisté en France", observe, sous couvert d'anonymat, le maire d'une petite ville du centre de la France. "Mais il y a de très fortes disparités. Et il y a cette frustration, ce sentiment de ne jamais s'en sortir qui génèrent de l'inquiétude."
"L'inflation touche tout le monde, mais de manière inversement proportionnelle au revenu", observe auprès de l'AFP le spécialiste du secteur de la grande distribution Philippe Goetzmann. Dans l'alimentaire, chaque passage à la caisse constitue un douloureux rappel.
Acheter moins de viande ou de légumes, cibler des produits premiers prix ou des marques de distributeur, guetter les promotions sur les produits bientôt périmés... Cela "alimente un sentiment de déclassement, celui de se dire qu'on vit moins bien qu'hier et qu'on risque de moins bien vivre demain", explique-t-il.
Des prix ont pourtant baissé en supermarchés, mais bien plus modestement qu'ils n'avaient flambé.
S'y ajoute l'inflation d'autres postes de dépenses, à commencer par l'énergie ou le carburant, bien plus cher qu'au déclenchement de la crise des gilets jaunes fin 2018.
La France rurale et périurbaine, largement dépendante de la voiture, est beaucoup plus touchée par la hausse du carburant "que les cadres intra-muros", d'où une différence de perception, explique Flavien Neuvy, économiste chez BNP Paribas Personal Finance.
En outre, avec des logements souvent moins bien isolés, les plus modestes "sont davantage concernés par la hausse de la facture d'énergie".
Facteur aggravant: la part de budget en constante progression des dépenses dites pré-engagées, abonnements internet et téléphonique, prix du logement... "Beaucoup de gens se retrouvent à découvert le 15 du mois alors qu'ils n'ont encore rien dépensé", relève M. Neuvy.
- "Aller beaucoup plus loin" -
Le gouvernement n'est pas resté inactif, avec notamment un très coûteux bouclier tarifaire au plus fort de la crise énergétique. Mais la facture a fini par grimper.
Et sur l'alimentaire, les "trimestres anti-inflation" et autres opérations "carburants à prix coûtant", non contraignants, dépendaient surtout de la bonne volonté des professionnels de la chaîne alimentaire. Pour une efficacité très relative.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a concédé dimanche qu'il faudrait "de toute évidence aller beaucoup plus loin" que les annonces gouvernementales du week-end avec la baisse des factures d'électricité de 15% "dès l'hiver prochain" ou encore l'augmentation du plafond de la prime dite "Macron", éventuellement versée par les entreprises à leurs salariés.
L'expérimenté président du comité stratégique du leader de la distribution E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, avait estimé jeudi auprès de l'AFP qu'"il y a quelque chose d'inexplicable, d'incongru, d'indécent à ce que la plupart des hommes politiques ne se soient pas exprimés contre l'inflation".
"C'était avant qu'il fallait se mobiliser. Maintenant c'est trop tard", a-t-il taclé, évoquant une "déconnexion des parlementaires" par rapport aux "demandes populaires". "C'est une réalité qui a probablement fait en creux le succès de Bardella", selon lui.