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En Inde, des agriculteurs révoltés devant des barrages policiers

Une file de tracteurs s'étend à perte de vue devant les barrages policiers: des milliers d'agriculteurs indiens en colère sont déterminés à aller jusqu'à New Delhi réclamer des prix garantis pour leurs récoltes.

Une véritable muraille de béton les a bloqués en route, à environ 200 km de la capitale. Des centaines de policiers anti-émeute munis de matraques montent la garde sur les barrages.

Beaucoup de manifestants sont venus à petite vitesse depuis le Pendjab, dans le nord. Tous klaxonnent, agitent des drapeaux et scandent des slogans haut et fort. Des tracteurs tentent de pousser les blocs de béton.

A une cinquantaine de mètres, derrière des rouleaux de fil de fer barbelé, la police alterne mercredi les jets de canons à eau et les tirs de gaz lacrymogène depuis des drones, tandis que gouvernement et syndicats agricoles mènent des pourparlers.

Des agriculteurs font voler des cerfs-volants pour "détourner" l'attention de la police, disent-ils. D'autres font tremper des sacs dans de l'eau, prêts à être lancés sur les grenades lacrymogènes pour amoindrir leur impact.

"Nous n'avons pas des armes comme eux", lance Karnail Singh, 36 ans, venu du district de Tarn Taran (Pendjab).

Des bruits sourds de lancers de lacrymogènes ponctuent les slogans, générant de lourds nuages et une odeur étouffante qui persiste longtemps après leur dispersion.

"Nous travaillons durant de longues heures dans les champs et cela ne suffit pas pour joindre les deux bouts", observe Sandeep Kumar, un agriculteur quadragénaire du district de Mohali, dans le Pendjab.

"Mais quand nous demandons quelque chose au gouvernement, on nous accueille avec des tirs et des coups de matraques", pointe-t-il. "Nous travaillons si dur, sans pouvoir rien économiser en raison de la hausse des coûts de production".

- "Delhi Chalo" -

Heera Singh, 55 ans, a un pied ensanglanté, entouré de gaze blanche. Il explique avoir été touché par une grenade lacrymogène mais assure que cela ne le fera pas rentrer chez lui.

Les agriculteurs ont lancé cette semaine un "Delhi Chalo" (une marche sur Delhi), évoquant leur manifestation du 26 janvier 2021 lorsqu'ils avaient forcé les barrages policiers pour entrer dans la capitale, en pleine célébration du Jour de la République, durant un conflit de plusieurs mois avec le gouvernement.

Ils protestaient alors contre une libéralisation des marchés agricoles. Aujourd'hui, la question-clef est l'obtention d'une garantie légale pour un prix minimum de leurs récoltes.

Au Pendjab, les autorités paient déjà un prix minimum pour le blé et le riz mais "le système n'est pas généralisé", note Maan Singh, un agriculteur de 37 ans.

"Ce que nous voulons, c'est une loi obligeant le gouvernement à nous donner un prix minimum de soutien pour tout ce que nous cultivons", ajoute-t-il.

Aujourd'hui, "le gouvernement n'achète que ce qu'il veut, nous obligeant à vendre la majeure partie de notre récolte à des intermédiaires à des prix bien inférieurs".

"Nous avons écrit des courriers et envoyé des pétitions mais le gouvernement n'a pas répondu", relève un autre agriculteur, Bhupinder Singh.

Les agriculteurs ont beau dire individuellement qu'ils se sentent ignorés, ils représentent collectivement une force.

En Inde, deux tiers de la population de 1,4 milliard de personnes dépend de l'agriculture pour vivre. Et le mouvement survient à l'approche des élections générales attendues en avril.

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