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Quatre euros économisés sur une boite de steaks hachés surgelés, 60 centimes sur la deuxième conserve de raviolis : dans un supermarché de Septèmes-les-Vallons, en banlieue de Marseille, Denise Nappi, retraitée fait ses courses prospectus de promotions en main face à l'inflation.
"Mon chariot, c'est pratiquement que des promos, des croissants, des pains au chocolat, de la viande hachée, des raviolis", énumère Denise Nappi, 78 ans, habituée de longue date de cet Intermarché.
Situé sur des collines dominant le port autonome de Marseille, ce magasin qui emploie une quarantaine de personnes fait à la fois grande surface et "épicerie du coin" pour une partie des 10.000 riverains.
"Je fais mes courses avec le livret, je me mets dans un coin où je ne dérange pas et je parcours le magasin en suivant de la première à la dernière page", explique Denise Nappi.
"Nos clients sont à bloc sur les catalogues de promotions", constate le directeur de l'établissement Stéphane Lennon qui en a graduellement augmenté le nombre ces dernières années, jusqu'à atteindre près de deux par semaine.
"On ne se bat plus sur les prix, c'est terminé. Maintenant on se bat sur les promotions", explique ce gérant du supermarché dont la clientèle va des habitants de cités paupérisées du 15e arrondissement de Marseille à la population socialement plus mélangée de Septèmes-les-Vallons.
"Il y a des promotions pour essayer de calmer les choses, mais parfois des clients bloquent sur celles des semaines passées ou à venir" et s'énervent à la caisse en réalisant qu'elle sont terminées ou n'ont pas encore commencé, raconte Thomas Lucas, caissier de 19 ans.
Si parfois, "les clients sont un peu méchants", confesse-t-il, le jeune homme se montre à l'écoute: "Pour mes 19 ans, je connais pas mal de problèmes d'argent donc je les comprends totalement".
- Négocier les prix -
"Peut-être pour ne pas payer l'essence", le nombre de commandes à livrer augmente, observe pour sa part Souad Helimi, chargée des livraisons au magasin. "Les sommes dépensées n'ont pas changé, en revanche pour cinquante euros, on prépare deux sacs là où il y en avait quatre ou cinq" avant.
La hausse des prix à la consommation en France a accéléré à 6,2% sur un an au mois d'octobre, a confirmé l'Insee mardi.
De manière générale, "on récupère du monde parce qu'on est moins loin" que les plus grands supermarchés des centres commerciaux, renchérit Stéphane Lennon, mais "les paniers réduisent (en volume) et les prix augmentent".
La tendance de tous les supermarchés est de "partir sur des gammes moins hautes", d'après le directeur.
Pour diminuer ses propres charges, le magasin a rogné sur la durée et l'intensité de son éclairage en dehors des horaires d'ouverture et compte sur "le moteur des rayons surgelés, refaits à neuf en juin, pour chauffer une partie du magasin", durant l'hiver, explique M. Lennon.
Témoin du vol d'une pièce de viande par "un monsieur âgé", dont "on sentait qu'il avait faim", Yvette Bourlois, cliente de 76 ans, admet avoir été "un peu choquée" et gênée : "Après, je me suis dis, ça ne me regarde pas", dit-elle, plaidant toutefois pour que la TVA sur les produits alimentaires soit supprimée: "c'est un impôt injuste".
Parmi les produits qui ont le plus augmenté, "le poisson devient très cher", constate Catherine Menancy, comptable de l'Intermarché, selon qui "les gens vont être obligés" de changer leurs habitudes.
Soulignant que Septèmes-les-Vallons est proche des quartiers nord de Marseille, marqués par un fort taux de pauvreté, Yann Waerenburgh, en charge de la poissonnerie du magasin lance : "Tu ne peux pas proposer les mêmes prix" que dans les boutiques du centre-ville.
Chaque soir, il négocie le prix des produits qu'il achète pour la plupart au port voisin de l'Estaque, en dessous du marché assure-t-il, "parce que je connais".
A 16,99 euros/kg le filet de merlan, "le prix que moi je devrais payer" auprès des fournisseurs, assure-t-il, il estime préserver un peu ses clients: "Sans ça, les gens ne s'arrêteraient même pas" devant l'étal.