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L'Assemblée nationale a achevé dans la nuit de vendredi à samedi l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation agricole, qui se veut l'une des réponses de l'exécutif à la colère agricole, et dont plusieurs mesures ont été critiquées pour leur potentiel impact environnemental.
Le texte, sur lequel exécutif et députés ont ferraillé durant deux semaines, sera soumis à un vote solennel mardi, avec de fortes chances d'être adopté. Le gouvernement espère notamment le soutien d'une droite largement impliquée dans son évolution.
L'une de ses dispositions phares confère à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", sorte de miroir de "l'intérêt général" environnemental déjà existant, et concrétisant ainsi une promesse d'Emmanuel Macron faite au salon de l'Agriculture en pleine colère paysanne.
Sans remettre en cause le principe constitutionnel de la protection de l'environnement, il s'agira de permettre "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires", d'accorder à l'agriculture "une attention spécifique", avait expliqué la rapporteure Renaissance Nicole Le Peih.
Les oppositions ont regretté que le texte fasse l'impasse sur certaines questions, telles que le revenu agricole.
A gauche, l'inquiétude porte aussi sur les risques de recul pour l'environnement. D'abord par une révision à la baisse de l'échelle des peines appliquées en cas d'atteinte à l'environnement.
Dans ce domaine, le gouvernement a ainsi fait adopter un amendement qui "réserve la qualification de délit aux cas dans lesquels les faits ont été commis de manière intentionnelle".
L'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho a fustigé une adaptation du droit qui s'appliquera selon elle à tout type d'infrastructures, bien au-delà des agriculteurs.
"En mettant la notion de caractère intentionnel de la destruction de la nature, (l'amendement) délivre un permis de détruire la nature et d'impunité générale.(...) Il n'y a jamais eu de remise en cause aussi brutale et aussi violente de toutes les directives européennes sur la protection des espèces et des habitats protégés", a-t-elle dit, dénonçant l'absence sur les bancs de l'Assemblée du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.
Les écologistes ont annoncé qu'ils saisiraient le Conseil constitutionnel en cas d'adoption définitive du texte.
"Si vous restez au statu quo, vous avez des gens qui, pour des délits non intentionnels, sont menacés de trois ans d'emprisonnement ou 150.000 € d'amende", a justifié le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.
- "Grave régression" -
Autre point d'inquiétude, la simplification des contentieux administratifs contre les projets de retenues d'eau ou d'élevages relevant de la réglementation sur les ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement).
La gauche a rappelé l'avis négatif du Conseil d'Etat sur cet article présentant des "risques d'inconstitutionnalité", et de la Défenseure des droits, qui a estimé qu'il portait "atteinte au droit au recours".
"C'est la plus grave régression agro-environnementale de l'histoire de France", a protesté la députée LFI Aurélie Trouvé.
"On ne vient pas dire qu'il n'y a pas de recours. On vient juste dire qu'il faut que ça aille plus vite", a rétorqué M. Fesneau.
Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau et les rapporteurs ont défendu bec et ongles une "brique" législative, "utile", et Marc Fesneau a renvoyé à la rentrée pour des débats sur les produits phytosanitaires ou le revenu des paysans.
Les députés ont validé certains objectifs à long terme pour l'agriculture, comme le fait de viser 400.000 exploitations et 500.000 agriculteurs d'ici 2035, des mesures sur la formation (création d'un nouveau diplôme Bac+3), ou encore la mise en place d'un guichet unique départemental pour accompagner les agriculteurs voulant s'installer ou céder leur exploitation.
Les députés ont par ailleurs approuvé un article qui simplifie le régime juridique concernant les haies.
Le camp présidentiel, minoritaire, a en revanche renoncé à réintroduire la création d'un outil de portage du foncier (GFAI), que l'opposition voyait comme une porte trop grande ouverte à la financiarisation de l'agriculture. Il pourrait revenir lors de l'examen au Sénat.