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"Maintenant ou jamais": la pression des victimes de violences sexuelles sur l'Eglise italienne

"Maintenant ou jamais": neuf associations italiennes de victimes d'agressions sexuelles par des clercs au sein de l'Eglise catholique ont lancé mardi une campagne inédite pour faire pression sur le gouvernement et réclamer une enquête indépendante sur l'ampleur du fléau dans le pays.

Baptisée "Au-delà du grand silence" ("Oltre il grande silenzio"), cette campagne s'inscrit dans la lignée des récents rapports publiés en France et en Allemagne, tandis que de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer le retard pris par la péninsule dans la lutte contre ces violences.

"Le gouvernement doit agir et profiter de l'élan créé par les enquêtes indépendantes menées ailleurs", déclare à l'AFP Francesco Zanardi, fondateur du réseau "L'Abus" (Rete L'Abuso, en italien), association de victimes qui a recensé, sur les 15 dernières années, plus de 300 prêtres mis en cause ou condamnés sur les 50.000 que compte la péninsule.

"Si l'Italie ne le fait pas maintenant, je crains qu'elle ne le fasse jamais", ajoute M. Zanardi, agressé par un prêtre lorsqu'il était adolescent.

A travers cette initiative portée sur les réseaux sociaux par le hashtag #ItalyChurchToo, les neuf associations, regroupées dans un partenariat, entendent mettre la pression sur le gouvernement, dans un pays à majorité catholique, terre de la papauté où l'Eglise conserve une grande influence.

Pour Cristina Balestrini, qui a créé un groupe de soutien aux familles après l'agression de son fils par un prêtre, l'essentiel pour les victimes est "de s'assurer que cela ne se reproduise jamais".

D'autant que toutes ne survivent pas, souligne-t-elle auprès de l'AFP: "Beaucoup se suicident et personne ne le sait".

Cette campagne intervient alors que le Vatican a été à nouveau amené à s'exprimer sur le sujet après la publication d'un rapport en Allemagne. Le 8 février, l'ancien pape Benoît XVI, accusé d'inaction lorsqu'il était archevêque de Munich, a ainsi demandé "pardon" aux victimes.

- "Rien n'a été fait" -

"Je suis le fils d'un prêtre pédophile", a confié Erik Zattoni, 40 ans, lors d'une conférence de presse mardi. "Ma mère a été violée à l'âge de 14 ans", mais lorsque sa famille a signalé le crime, elle a été expulsée de la maison, qui appartenait à l'Eglise, a-t-il raconté.

Un test de paternité a prouvé que le prêtre, âgé de 54 ans au moment des faits, était bien le père et l'ecclésiastique a reconnu les faits. "Il a continué à être prêtre pendant un an et demi", déplore M. Zattoni, disant ressentir "beaucoup d'amertume et de déception".

Le prêtre est décédé depuis. "Rien n'a été fait, rien. Que devons-nous faire pour nous assurer que ces prêtres, ces criminels, soient condamnés et destitués?" s'interroge-t-il.

Un haut-conseiller du Vatican sur la lutte contre ces violences, le prêtre jésuite allemand Hans Zollner, a lui-même affirmé à l'AFP qu'une enquête est également "nécessaire" en Italie, où "il y a très probablement des prêtres qui ont commis des abus et qui continuent de vivre sans être inquiétés".

Lundi, le pontife argentin - qui a plusieurs fois exprimé sa "honte" face à l'ampleur de ce fléau et durci la politique du Vatican - a réformé un important organe de la Curie romaine, le "gouvernement" du Saint-Siège, pour y créer une section chargée de la discipline.

Et l'influent cardinal Gualtiero Bassetti, président de la Conférence épiscopale italienne (CEI), a récemment indiqué que celle-ci "réfléchit depuis un certain temps au lancement d'une enquête approfondie et sérieuse".

M. Zanardi aurait toutefois "peu confiance" dans une enquête interne. "Il y a un silence total des médias italiens et du gouvernement à Rome", regrette-t-il. "La Conférence épiscopale d'Italie fait ce qu'elle veut."Le réseau L'Abuso s'est associé à l'hebdomadaire Left pour créer une base de données qui sera publiée vendredi, avec des informations détaillées sur plus de 140 cas.

L'Eglise "a agi comme si nous étions un ennemi, faisant de nous des victimes une fois de plus", ajoute Mme Balestrini, 56 ans, dont le fils adolescent a été agressé en 2011 par un ecclésiastique, d'abord déplacé dans une autre paroisse avant d'être condamné.

Elle espère que l'union de ces associations parviendra à faire pression sur l'Eglise pour qu'elle fasse la lumière sur son passé. "Pour l'instant, ils essaient d'étouffer l'affaire, mais il vaut mieux choisir d'enlever soi-même le couvercle que de se le faire arracher".

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