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L'autrice irlandaise Sally Rooney, érigée comme "la voix d'une génération" après le succès planétaire de "Normal People", continue d'ausculter les amours modernes dans son quatrième roman "Intermezzo" qui sort mardi, en tentant de composer avec la célébrité.
Ses fans y retrouveront les éléments qui ont fait son succès: une observation fine des rapports sociaux, des dialogues saisissants de réalisme dans des appartements de Dublin, des scènes érotiques et des conversations existentielles sur le patriarcat ou le capitalisme.
Après avoir créé des personnages féminins marquants, la romancière de 33 ans raconte cette fois le rapprochement de deux frères éloignés, Peter et Ivan, dans les semaines qui suivent la mort de leur père, et les relations amoureuses qu'ils nouent dans la période délicate du deuil.
Six ans après la parution de son roman "Conversations with Friends" (2017), écrit en trois mois à la fin de ses études et qui l'a révélée à seulement 26 ans, ses personnages, comme elle, ont grandi.
Ils sont devenus des trentenaires, confrontés à des questionnements sur la maternité et à l'angoisse climatique. Son style, direct et réaliste, évolue aussi, avec des dialogues qui s'entremêlent au monologue intérieur des personnages.
- "Passer inaperçue" -
Cette Irlandaise discrète, qui a grandi dans la petite ville de Castlebar (nord-ouest), ne s'était pas préparée au succès de son deuxième roman "Normal People" (2018), adapté en série par la BBC en 2020, qui a fait exploser sa popularité.
La romancière a réussi à capter quelque chose de l'époque et de la manière dont les "millenials" -nés entre le début des années 1980 et la moitié des années 1990-, vivent leurs relations amicales, familiales et amoureuses.
Couverte d'éloges par Barack Obama ou Taylor Swift, elle a rejoint la liste des 100 personnes les plus influentes au monde du magazine Time en 2022. Elle a été présentée comme "la voix d'une génération" ou la "Salinger de la génération Snapchat" - un réseau dont elle n'avait jamais entendu parler.
Le succès de "Normal People"? "C'était trop, je ne veux plus jamais être au centre de l'attention comme ça", dit-elle au Guardian, ajoutant que "l'expérience d'être une jeune femme exposée au regard du public n'est pas toujours facile ou agréable".
La trentenaire se débat encore avec sa notoriété, accompagnée de ses millions d'admirateurs mais aussi de détracteurs, qui jugent ce phénomène littéraire "surcoté".
Visage diaphane et frange brune, elle accorde peu d'interviews, se dit mal à l'aise en public et maladroite quand elle doit poser pour des photos.
"Je ressens beaucoup d'anxiété par rapport à ma vie privée (...) Je suis une personne très discrète, j'aime passer inaperçue", a-t-elle confié au journal Irish Time, disant parfois regretter de ne pas avoir pris un nom de plume comme Elena Ferrante.
- "Marxiste" -
Cinq prix littéraires et des millions d'exemplaires vendus plus tard, Sally Rooney espère s'affranchir de l'étiquette de la "jeune écrivaine" à succès.
Après dix ans à Dublin puis un passage à New York, elle vit avec son mari professeur de mathématiques dans la paisible campagne irlandaise, près de là où elle grandi.
Décrite comme à la fois "brillante" et distante, Sally Rooney est toutefois connectée à l'actualité et son engagement politique, qu'elle qualifie de "marxiste", infuse ses romans.
En 2021, elle avait refusé que son troisième ouvrage, "Où es-tu, monde admirable?" (2022), soit traduit en hébreu par une maison d'édition israélienne qu'elle jugeait trop proche du pouvoir, suscitant de vives réactions au sein de la communauté juive.
Trois ans plus tard, elle dit ne pas vouloir "rester silencieuse face à un génocide": "Les horreurs qui se déroulent à Gaza me semblent être un tournant dans l'histoire. Comment permettons-nous que cela se produise?", s'interroge-t-elle auprès de l'Irish Times.
Si elle s'est toujours défendue d'écrire des oeuvres autobiographiques, beaucoup ont vu son alter ego dans le personnage d'Alice, la jeune romancière de son troisième roman qui peine à accepter sa célébrité et se réfugie dans une petite ville côtière en Irlande.
"J'ai le sentiment d'avoir vécu beaucoup, très vite (...) et ce livre met en scène certains de ces défis", avait-elle déclaré à Vogue à l'époque.