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Les sanctions s'accumulent contre la Russie, mais quels sont leurs objectifs ? "L'espoir n'est pas véritablement d'interrompre la guerre"

L'invasion de l'Ukraine déclenchée jeudi par le président russe Vladimir Poutine a suscité une vague d'annonces de sanctions internationales contre Moscou, principalement de la part des pays occidentaux. Des sanctions principalement financières (voir notre résumé ci-dessous). Mais peuvent-elles avoir un impact direct et immédiat sur la situation en Ukraine, donc sur la guerre qui est en cours ?

Les sanctions, principalement financières et économiques, qui touchent et toucheront la Russie dans les années à venir, peuvent changer le cours de la guerre plus ou moins rapidement ? "Il faut sous-peser ces sanctions par rapport à leur objectif réaliste. Les sanctions qui ont été prises il y a deux jours, après la reconnaissance de l'indépendance du Donbass, sont appuyées par un nouveau tour de sanctions, beaucoup plus appuyées encore, beaucoup plus larges. Mais l'espoir n'est pas véritablement d'interrompre la guerre, de provoquer le retrait des armes russes", nous explique vendredi matin Nicolas Gosset, chercheur à l'Institut royal de défense. Si l'on est optimiste, selon lui, on peut espérer que ces sanctions pourraient "contraindre Vladimir Poutine a abaisser les objectifs de son opération, mais j'en doute".

En réalité, "l'objectif qui me semble plus important à prendre en compte est de moyenne ou de longue durée. Il s'agit de peser sur la trajectoire de développement de la Russie pour de nombreuses années. Les sanctions prises ces derniers jours s'accumulent sur celles prises depuis 2014. Donc il existe un régime de sanctions de plus en plus renforcé, qui va impacter la Russie dans son développement, dans sa politique, durant de très nombreuses années. L'idée est aussi, je pense, et ça a été mentionné par plusieurs chefs d'Etat, de consolider l'image de la Russie comme un paria sur la scène internationale. Un pays avec lequel il va être de plus en plus difficile de commercer, ou alors à très haut risque".

De quelles sanctions parle-t-on ?

L'Union européenne, réunie en sommet à Bruxelles, a annoncé jeudi soir durcir ses sanctions contre la Russie dans les secteurs de l'énergie, de la finance et des transports mais sans l'exclure dans l'immédiat du réseau bancaire Swift, qui permet de recevoir ou d'émettre des paiements dans le monde entier.

Il s'agit notamment de limiter drastiquement l'accès de la Russie aux marchés de capitaux européens. L'UE va aussi réduire l'accès de la Russie à des "technologies cruciales", en la privant de composants électroniques et de logiciels.

Selon un projet de texte consulté par l'AFP, il inclurait notamment l'interdiction d'exporter vers la Russie des avions, pièces et équipements de l'industrie aéronautique et spatiale, ainsi que des technologies de raffinage pour l'industrie pétrolière.

De nouvelles sanctions frapperaient des individus dans les cercles du pouvoir (gel des avoirs, interdiction du territoire européen...). Elles s'ajouteront à celles déjà entrées en vigueur mercredi soir, notamment contre des personnalités proches de Poutine.

Le Bélarus, accusé d'être impliqué dans les opérations russes, sera aussi frappé de sanctions supplémentaires.

Au niveau des Etats-Unis, le président Joe Biden a également annoncé jeudi une série de nouvelles sanctions visant les banques, élites et exportations russes.

Quatre banques russes supplémentaires, dont les deux plus grandes du pays, Sberbank and VTB Bank, vont être sanctionnées et plus de la moitié des importations technologiques de la Russie supprimées, a-t-il affirmé lors d'un discours depuis la Maison Blanche.

Le géant de l'énergie Gazprom et d'autres grandes entreprises du pays - 13 au total - ne pourront plus pour leur part lever d'argent sur les marchés financiers occidentaux, une sanction qui avait déjà été prise contre le gouvernement russe lui-même.

Les Etats-Unis ont également allongé la liste des oligarques russes pénalisés et restreint les exportations vers la Russie de produits technologiques destinés aux secteurs de la défense et de l'aéronautique.

Washington a également annoncé des sanctions contre 24 personnes et organisations bélarusses, accusées d'avoir soutenu et aidé l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a annoncé jeudi le département du Trésor.

Le Royaume-Uni a imposé jeudi une nouvelle série de sanctions contre la Russie, interdisant à la compagnie aérienne Aeroflot de desservir le Royaume-Uni et ciblant le secteur bancaire, les exportations de technologies et cinq hommes d'affaires.

En plus de cinq banques déjà sanctionnées mardi, le géant public bancaire russe VTB est visé et voit ses actifs sur le sol britannique gelés. Plus généralement, les nouvelles mesures "vont nous permettre d'exclure totalement les banques russes du secteur financier britannique", a précisé Boris Johnson.

Elles vont aussi empêcher les entreprises publiques comme privées de lever des fonds au Royaume-Uni et limiter les sommes que les Russes peuvent détenir sur leurs comptes bancaires britanniques.

Au total, 100 nouvelles entités seront visées.

Le Japon a annoncé vendredi des sanctions supplémentaires contre Moscou, visant le secteur financier et l'exportation de composants électroniques.

"En plus des sanctions annoncées (mercredi), les (nouvelles) sanctions comprennent le gel des actifs et la suspension de la délivrance de visas à des personnes et organisations russes", a déclaré le Premier ministre Fumio Kishida à Tokyo après une réunion en ligne des dirigeants des sept pays industrialisés du G7.

M. Kishida a également annoncé d'autres mesures "sur les exportations vers les organisations russes liées à l'armée" et sur des "biens à usage général comme les semi-conducteurs et les articles figurant sur une liste restreinte basée sur des accords internationaux".

Le Canada va sanctionner "58 personnes et entités" russes, a annoncé le Premier ministre Justin Trudeau.

Des ministres russes sont précisément ciblés par les sanctions: ceux de la Défense, des Finances et de la Justice, ainsi que le groupe de mercenaires russes Wagner, réputé proche du président Vladimir Poutine.

Le Canada a également suspendu les permis d'exportation pour la Russie, pour une valeur de plus de 700 millions de dollars canadiens (487 millions d'euros) et visant notamment des entreprises du secteur aérospatial, minier et des technologies de l'information.

Au niveau de l'Australie, le Premier ministre Scott Morrison a annoncé jeudi une "deuxième série" de sanctions contre quatre institutions financières et 25 personnes appartenant à quatre entités en charge du développement et de la vente d'équipements militaires.

Il a précisé que d'autres séries de sanctions, notamment à l'encontre de plus de 300 membres de la Douma ayant voté pour l'"invasion illégale de l'Ukraine", seront imposées "au fur et à mesure que nous identifierons les responsables".

Enfin, la Suisse a décidé jeudi de ne pas s'aligner sur les sanctions occidentales envers la Russie, mais va prendre les mesures nécessaires pour éviter d'être utilisée comme base de contournement par Moscou, a déclaré le président suisse Ignazio Cassis.

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