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L'Allemagne est officiellement entrée en récession au premier trimestre, avec une chute de 2,2% de son produit intérieur brut (PIB) provoquée par la pandémie de coronavirus, avant un plongeon bien plus brutal attendu au printemps.
Le pays est d'ores et déjà en récession "technique", soit deux trimestres consécutifs de contraction du PIB, après que l'institut a revu à la baisse son estimation du PIB au dernier trimestre 2019, à -0,1%, contre 0% initialement annoncé.
L'Allemagne connaît son "pire résultat depuis la crise économique" de 2008-2009 et son le "deuxième plus mauvais" depuis la Réunification en 1990, commente l'institut de statistique Destatis, qui publiait ces chiffres vendredi.
Une dizaine de jours ont suffi pour mettre à genoux la première économie de la zone euro: les mesures de restrictions visant à endiguer la pandémie, au prix d'un fort impact sur l'activité, ont débuté mi-mars, en fin de trimestre.
"Maintenant, nous savons officiellement ce que coûte un tel confinement: environ un à deux pourcent par semaine", commente Jens-Oliver Niklash, économiste chez LBBW.
Et "ce n'est qu'un début", résume l'économiste Carsten Brzeski, de la banque ING, puisque la pandémie devrait logiquement affecter bien plus violemment le deuxième trimestre, au plus fort des mesures de confinement.
Entre début avril et fin juin, l'Allemagne devrait connaître un plongeon de 10% de son PIB sur un an, inédit depuis cinquante ans, selon des projections communes des principaux instituts économiques.
- Industrie en souffrance -
Comme l'ensemble des pays européens, l'économie allemande a subi un choc multiforme, puisque le confinement décrété face à la crise sanitaire a paralysé la production de nombreux secteurs, fortement ralenti les échanges et bridé la consommation.
Pour l'ensemble de 2020, le gouvernement allemand prévoit une récession de 6,3%, la plus forte depuis le début des statistiques en 1970.
Et la pandémie devrait amputer de près de 100 milliards d'euros les recettes fiscales par rapport à la précédente prévision d'octobre, a précisé jeudi le ministre des Finances.
L'industrie exportatrice, pilier du modèle économique allemand, souffre particulièrement, après avoir déjà été plombée en 2019 par les tensions commerciales et les inquiétudes liées au Brexit.
En mars, la production industrielle a reculé de 9,2% sur un mois, du jamais vu depuis 1991, selon Destatis.
Le secteur automobile est sinistré: les immatriculations se sont effondrées en mars de 37,7% sur un an, la pire chute depuis 30 ans. En avril, l'Allemagne a produit 97% de voitures en moins sur un an.
Les conglomérats industriels sont également à la peine, puisque Thyssenkrupp et Siemens voient chuter la demande de nombreux secteurs clients.
La compagnie allemande Lufthansa perd actuellement un million d'euros "par heure" à cause de la chute du trafic aérien, quand le numéro 1 mondial du tourisme TUI, s'apprête à supprimer 8.000 emplois.
- Quel rebond ? -
Avec la réouverture en mai des magasins et de nombre de lieux publics, l'objectif est désormais d'accélérer la relance. Berlin prévoit un rebond dès 2021, avec une croissance attendue de 5,2%, espérant renouer en 2022 avec les niveaux de production de 2019.
"L'Allemagne sortira de la crise plus rapidement et plus vigoureusement que les autres pays occidentaux", car elle a "dépensé plus d'argent pour sauver son économie", et a été "moins touchée" par le virus, prédit Carsten Brzeski.
Pour faire face à la crise, Berlin a tourné le dos à la rigueur budgétaire, adoptant un plan ambitieux de garanties publiques de prêts et d'aides directes aux entreprises, représentant un volume de 1.100 milliards d'euros.
Mais l'économie "ne pourra reprendre que si (ses) principaux partenaires commerciaux", dont "ses voisins européens", la Chine et les Etats-Unis, "renouent avec la croissance", souligne Jens-Oliver Niklash.
Une condition d'autant plus délicate à remplir que le coronavirus attise les tensions sino-américaines, qui pourraient, comme en 2019, plomber le commerce mondial, et l'industrie exportatrice allemande.
L'Allemagne est d'ailleurs "structurellement plus faible" qu'il y a dix ans, lors de la "crise de 2008/2009", estime Carsten Brzeski. Le PIB n'avait progressé que de 0,6% en 2019, freiné par les difficultés de l'industrie.