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"Jamais je ne m'étais sentie aussi appréciée": après sept semaines de travail face à la pandémie de coronavirus dans un hôpital new-yorkais, Dianne King, infirmière venue en renfort depuis l'Alabama, est repartie mercredi remotivée par son métier. Comme des milliers d'infirmières, cette femme de 43 ans est partie pour New York, le 3 avril, poussée par la volonté d'aider face aux images dramatiques de la situation dans cette ville diffusées à la télévision, et attirée par un salaire "beaucoup plus élevé" que ce qu'elle aurait touché en restant dans son hôpital de l'Alabama.
Journées éprouvantes
Spécialisée en soins cardiaques intensifs, elle a démissionné du jour au lendemain, explique-t-elle, entourée de Grace Morales et Carla Cooley. Ces deux autres infirmières sont venues en renfort du sud des Etats-Unis et elle s'est liée avec elles pendant son séjour. Toutes trois, peu habituées à voyager, se sont retrouvées en plein épicentre de l'épidémie américaine, dans la capitale économique du pays, qu'elles n'avaient jamais visitée. Les morts du coronavirus s'y comptaient alors par centaines, et les nouvelles hospitalisations par milliers, chaque jour.
Ce qui m'a le plus choquée, c'est le nombre de patients qui arrivaient les uns après les autres, ils étaient littéralement alignés les uns derrière les autres
Le rythme était intense: des gardes de nuit de 12 heures, 21 jours d'affilée, puis deux jours de congé avant de recommencer. Au matin, elles revenaient s'écrouler dans leur chambre d'un hôtel du quartier des affaires de Midtown, vidé par la crise et mis à disposition des soignants. Le Roosevelt Island Medical Center, où elles ont été affectées, a dû se convertir du jour au lendemain en centre pour malades du Covid-19.
Les urgences des hôpitaux généralistes leur envoyaient les malades sortis de la phase la plus critique, expliquent-elles. "Ce qui m'a le plus choquée, c'est le nombre de patients qui arrivaient les uns après les autres, ils étaient littéralement alignés les uns derrière les autres", dit Dianne King. Elle n'a pas toujours pu aider autant qu'elle aurait voulu, comme lorsqu'une de ses patientes, très faible, a appris que sa soeur venait de mourir du coronavirus. "Je ne savais pas quoi dire. Je lui ai tenu la main, je lui ai dit que j'étais désolée".
Retrouver la flamme
Mais malgré beaucoup d'improvisation et d'"incohérences", dans un hôpital pas conçu pour de telles situations, elle s'est sentie plus utile que jamais. "Je fais l'infirmière depuis l'âge de 13 ans, âge où je m'occupais d'une vieille dame de mon quartier. Je n'ai jamais voulu faire autre chose. Mais jour après jour, la routine vous gagne, on ne se sent pas valorisé et on perd un peu la flamme", raconte Mme King.
"Le plus précieux dans toute cette expérience", dit-elle en étouffant des larmes, "c'est la reconnaissance qu'on a comme infirmière, pour la première fois de ma carrière, venant des patients, des familles, de la direction (de l'hôpital) ou de gens qui passent dans la rue et s'arrêtent pour vous dire merci". Sentiment partagé par ses nouvelles amies: "On pourra être fière de ce qu'on a fait", dit Grace Morales. Elle rentrera au Texas dans deux semaines environ.
Et je me suis occupée de patients dont il fallait s'occuper. Que peut-on demander de plus, quand on fait ce métier?
Avec l'épidémie en recul à New York, et un nombre d'hospitalisations en baisse, la mission de Dianne King se termine. Cette mère de trois jeunes adultes reprenait l'avion pour Birmingham mercredi soir, bien décidée à utiliser la quarantaine obligatoire à son retour pour se reposer, puis à réfléchir à la suite de sa carrière, maintenant qu'elle a attrapé "le virus du voyage".
Avant de partir, elle qui avait juste eu le temps jusqu'ici de marcher un peu dans Manhattan a suivi une visite de New York proposée gratuitement aux soignants. "J'adore New York", dit-elle, "j'ai hâte de revenir quand tout le monde sera de nouveau dehors". Que dira-t-elle à sa famille en rentrant ? "Je me sentirais coupable de dire que c'était super. Mais c'était super, les collègues que j'ai rencontrés, les amies que je me suis faites, pour la vie j'espère. Et je me suis occupée de patients dont il fallait s'occuper. Que peut-on demander de plus, quand on fait ce métier?"