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L’histoire de Maria Paola n’est en rien celle d'une adoption classique. Arrivée en Belgique quelques jours après sa naissance et placée dans une famille adoptive, Maria Paola grandit dans l'espoir de retrouver un jour sa mère biologique. Un test ADN va tout faire basculer.
Le 11 novembre 2022, dans un aéroport de l'autre côté de l'Atlantique, Maria Paola, une habitante d'Ottignies, est tombée dans les bras de sa mère biologique pour la première fois, 37 ans après leur séparation. "Je m'en souviendrai toute ma vie", ébruite Maria Paola à l'évocation du moment. "J'attendais mes valises et là, je la vois. J'ai lâché tout ce que j'avais. J'ai couru et je lui ai sauté dans les bras."
Pour bien comprendre la portée de l'événement, il faut remonter au 19 janvier 1986. Maria Paola débarque pour la première fois sur le sol belge en provenance du Guatemala. Elle n'a alors que quelques jours. Seules quelques images peuvent témoigner de son arrivée à l'aéroport de Zaventem:
A cette époque, l'arrivée de Maria Paola ressemble à une adoption comme il en existe des milliers. Premiers regards, premiers sourires et premiers gestes d'affection avec ses parents adoptifs.
Arrive la période de l'adolescence et avec elle ses premiers tourments, ses premières interrogations. Maria Paola commence à se questionner sur son passé et sur ses origines : “Ce n'était pas évident de se dire quelle est ma place, comprendre qui j'étais, mon identité, etc.”
Maria Paola entreprend alors une quête identitaire. Elle se rend au Guatemala avec une idée en tête : retrouver sa mère biologique. Les autorités consultent leur base de données. Et là surprise pour les autorités locales : Maria Paola n'aurait jamais quitté le Guatemala. Elle n'a, par conséquence, jamais été confiée à l’adoption. “A ce moment-là, j'ai compris que pour l'état guatémaltèque, je n'avais jamais quitté le pays. J'en étais toujours une ressortissante et que mon adoption n'avait pas du tout été faite légalement. ”
Fausse piste
Lorsqu’elle prend connaissance de l’histoire des enfants volés du Guatemala, les morceaux d'un gigantesque puzzle s'assemblent : des enfants séparés de leur famille et “vendus” à l’adoption dans les années 80. Maria Paola est désormais persuadée d’en avoir été victime : "Même si j'ai des doutes sur la manière dont l'adoption a été faite, je n'ai aucune idée de l'ampleur du trafic, aucune idée de la falsification des documents.”
En 2009, Maria Paola se rend au Guatemala. Après des démarches administratives, elle obtient un nom : celui d'une femme indiquée comme étant sa maman dans les registres guatémaltèques, sur son acte de naissance plus précisément. La rencontre se produit, mais aucune véritable alchimie entre les deux femmes. Une intime conviction la travaille de l'intérieur. Il faut attendre 2019 et une plainte déposée par Coline Fanon contre une ASBL en charge d'adoption. Et comme Coline, Maria Paula a été adoptée par le même organisme. "On peut combiner nos forces. Je la contacte. Quand elle me demande le nom de ma mère biologique sur mon acte de naissance, je comprends tout de suite que ce n'est pas elle. Tout à fait sens."
Mais, c'est toi ! Je te reconnais, tu es ma fille
Les recherches continuent et après un test ADN, la vérité survient. “Comme résultat, je vois que j'ai une demi-sœur. Là, je vérifie sur un site et c'est bien précisé qu'on est sœur du côté maternel. A ce moment-là, c'est un peu la victoire”.
Maria Paola prend contact avec cette demi-sœur qui vit aux États-Unis, Edita, et tout va ensuite s'accélérer. Via un appel vidéo, elle lui présente sa propre mère. “Ma mère dit 'oui, j'ai eu une fille, mais on m'a dit qu'elle était morte. Là, elle me voit sur l'écran et elle dit "Mais, c'est toi! Je te reconnais, tu es ma fille. Quand je l'ai vu, j'ai compris tout de suite. "
Pas de haine ni de colère contre l’organisme qui l’aurait enlevée à sa mère. Maria Paola est désormais tournée vers l’avenir, bien consciente que le temps perdu ne se rattrape pas. “Je suis très soulagée. Pour elle, parce qu'elle peut avoir la vérité. Soulagée pour moi, car tout un tas de questionnements n'existent plus. J'étais en paix avec l'idée de ne pas avoir de réponses à certaines questions. Et aujourd'hui, je les ai.”
Permettre d’obtenir des réponses à ses questions, c’est justement le combat de Coline Fanon. Elle aussi a été arrachée à sa famille au Guatemala. Via son association "Racines Perdues", elle tente d’aider les victimes de ces trafics d'êtres humains. Aujourd’hui, Coline se bat pour que les victimes soient entendues : "Factuellement, on est les preuves vivantes que cela a existé et que oui, on a été volés des bras de nos parents. On ne remet pas du tout en cause l'adoption, mais par contre, c'est un trafic d'êtres humains à échelle internationale. Je pense que la Belgique a son rôle à jouer en termes de réparation."
Au Guatemala, mais aussi au Congo, au Sri Lanka ou encore en Inde, les récits d’adoptions illégales se multiplient. L’an dernier, la Belgique a reconnu leur existence. Une enquête administrative doit désormais être menée afin que de tels crimes ne se reproduisent plus.
Les conclusions sont attendues pour juillet prochain.