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“Vu mon âge, je n’ai plus le temps d’attendre”, s’inquiète Fernand via notre bouton orange Alertez-nous. À 93 ans, il se demande quand il retrouvera ses économies, volées il y a trois ans. Malgré la condamnation d’un “ami” en première instance en mars 2019, ses 130 000 euros ne lui ont toujours pas été restitués. Le voleur présumé âgé de 56 ans conteste le jugement. La date du renvoi devant la Cour d’appel n’a pas encore été fixée.
Une relation de confiance qui dure depuis de plus de 20 ans
Ancien représentant disque en Belgique pour la chaîne de radio américaine CBS, Fernand vit seul de sa pension à Liège. Plusieurs fois par an, il se rend en Thaïlande où résident des membres de sa famille. Il s’y lie également d’amitié avec un autre Liégeois vivant dans ce pays d'Asie du Sud-Est. Les deux hommes gardent contact et entretiennent une relation de confiance durant plus de 20 ans. Avant que le 22 septembre ne survienne un événement qui allait tout changer.
Fernand hébergeait régulièrement son ami chez lui lors de ses séjours en Belgique et lui confiait tout. Il lui a notamment avoué être en possession d’une importante somme d’argent qu’il a accumulée au fil des années, dit-il. Méfiant envers les banques, son ami lui aurait conseillé de ne pas conserver ses économies sur un compte.
En mai 2016, malgré les contre-indications de l’employé de banque auquel il s’adresse, Fernand décide de retirer la somme de 130 000 euros en coupures de 500 euros. Il les confie d’abord à son fils dans une valise. Cependant, au retour d’un de ses voyages réguliers en Thaïlande fin août, il récupère les billets pour les entreposer dans une armoire de son appartement, dit-il.
Une attitude inhabituelle
À cette époque, Fernand héberge pour quelques temps son ami de longue date rencontré en Asie, raconte-t-il. Le 22 septembre au petit matin, le retraité entend un bruit de porte venant du hall. Le lieu même où il a entreposé son argent. Il se lève et voit son ami “suant à grosses gouttes” qui s’empresse de lui dire au revoir avant de quitter l’appartement, relate-t-il.
Un départ précipité inhabituel. “J’ai eu un doute car son attitude était anormale, raconte Fernand. Il vivait chez moi depuis un mois. Il avait l’habitude de prendre son café avec moi tous les matins et ici c’est la seule fois où il ne l’a pas fait. Il était très stressé, je ne l’avais jamais vu dans cet état-là.” Cette attitude éveille les soupçons du nonagénaire. Il raconte être allé voir dans son armoire pour constater la disparition du sachet contenant les fonds.
Aucune trace d’effraction, Fernand en est persuadé :
“À part si des ailes ont poussé à mes billets pendant la nuit, ça ne peut être que lui.”
Il se rend immédiatement au commissariat pour signaler le vol et porter plainte. Dans sa déposition, il déclare que son ami a connaissance de la somme d’argent qu’il entrepose chez lui, ce qui en fait un suspect évident.
De longs mois d’attente
Mais ce dernier a quitté la Belgique pour repartir en Asie. La Thaïlande signale une entrée sur son territoire le 25 septembre, trois jours après le vol. C’est seulement en juillet de l’année suivante que le suspect revient en Europe. Pensant échapper aux autorités belges, il transite par l’aéroport de Düsseldorf. Mais le mandat d’arrêt international émis à son encontre permet aux services de police allemands de remettre l’individu à leurs homologues belges.
Une rencontre entre Fernand et celui qu’il considérait comme un ami proche est organisée au commissariat d'Outremeuse à Liège en octobre 2017. Le but est de confronter le point de vue des deux protagonistes.
Le suspect peine à se justifier
La connaissance des économies de Fernand, les conseils de les retirer de la banque, les nuits passées dans l’appartement jusqu’au moment du vol : le suspect nie tout en bloc. Mais il est mis face à certains éléments troublants pendant l’audition.
Peu de temps avant les faits, la société de plomberie du suspect est tombée en faillite le plongeant dans une situation financière délicate. Pourtant, plusieurs dépôts par coupures de 500 euros sont constatés sur ses comptes bancaires en septembre 2016. Des versements que le suspect qualifie de “pur hasard”.
De plus, plusieurs communications par GSM montrent que le suspect a annoncé son retour en Thaïlande à des proches en date du 23 septembre 2016. Il leur a surtout indiqué de garder ce voyage secret. Fernand, ami de longue date rencontré en Thaïlande s’étonne de ne pas avoir été tenu au courant de ce départ.
Enfin, le suspect nie avoir été hébergé par Fernand durant le mois de septembre 2016. Il assure avoir dormi dans un appartement qu’il possède à Liège. Il n’y a pourtant pas été aperçu à cette période selon l’enquête de voisinage réalisé par les autorités.
Des présomptions graves et concordantes
Lors d’un procès en mars 2019, le tribunal correctionnel de Liège a noté l’imprécision des réponses du suspect ainsi que ses refus de s’exprimer lors des auditions. L’ensemble de ces éléments “constituent un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, exclusif de tout doute, sur lequel se fonde le Tribunal pour conclure à la culpabilité du prévenu“ rapporte le prononcé du jugement que RTL INFO a consulté.
La vulnérabilité de Fernand compte tenu de son âge (89 ans au moment des faits) a été retenue comme une circonstance aggravante. Le suspect a ainsi été condamné à 30 mois de prisons ainsi qu’à restitution des 130 000 euros volés.
Délai de jugement inconnu
Pourtant trois ans après les faits, six mois après le jugement, Fernand n’a toujours pas récupéré son dû. L’homme qu’il a côtoyé et hébergé pendant des années continue de contester catégoriquement être l’auteur du vol. L’affaire est portée devant la Cour d’appel. Le jugement en première instance est donc non définitif.
La date du second procès n’est pas encore fixée. Selon l’avocat de Fernand, le dossier n’a toujours pas été transmis à la Cour d’appel. Impossible pour l’instant de déterminer le délai à attendre pour connaître le jugement définitif. Laissé dans l’incertitude, Fernand s’indigne : “Comment se fait-il qu'en Belgique il faille attendre aussi longtemps avant d'être convoqué au tribunal et que je puisse récupérer mes biens. J'ai du mal à finir les mois et mon voleur a 3 maisons, lui.”