Partager:
Emmanuel Macron veut prendre des mesures pour réprimer les "fake news" durant les campagnes électorales, mais la loi permet déjà de sanctionner la diffusion de fausses nouvelles, y compris sur les réseaux sociaux, rappelle Basile Ader, avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit de la presse et directeur de la rédaction de la revue spécialisée Légipresse.
QUESTION: Que prévoit déjà la loi française en matière de "fake news"?
REPONSE: "La loi de 1881 (sur la liberté de la presse, ndlr) a déjà prévu tout cela depuis fort longtemps, avec le délit de fausse nouvelle et le délit de diffamation qui encadrent correctement aujourd'hui les choses.
Dans le délit de fausse nouvelle, seul le procureur peut poursuivre. Il peut tout à fait le faire lorsqu'il estime qu'une fake news est susceptible de troubler la paix publique, ce qui est notamment le cas lorsque cela fausse les résultats d'une élection. Et des procédures d'urgence existent déjà dans la loi de 1881 en période électorale.
Le législateur en 1881 a déjà imaginé toutes ces situations. Il suffit de regarder la loi, elle propose déjà des outils, encore faut-il les connaître et les utiliser".
Q: Ces outils sont ils opératoires même contre des fausses informations diffusées via Facebook ou Twitter?
R: "Bien sûr. La loi n'est pas utilisée parce que les parquets ont d'autres choses à faire mais si des +fake news+ perturbent franchement la paix publique ou sont susceptibles de la perturber, ils peuvent tout à fait le faire.
Les particuliers peuvent aussi initier une procédure pour diffamation, mais seulement à partir du moment où on porte atteinte à leur honneur ou à leur considération, la seule fausseté de l'information ne suffisant pas pour engager une action en justice.
On peut aussi agir en référé lorsqu'il y a urgence, et faire des requêtes auprès des juges civils pour obtenir des données de connexion, depuis la loi pour la confiance dans l'économie numérique (de 2004, NDLR)".
Q: Est-il donc bien nécessaire de légiférer?
R: "Les fausses nouvelles existent depuis que la presse existe, et la loi de 1881 a toujours fait ses preuves et est toujours adaptée aux moyens de communication, elle offre des réponses qui sont acceptées à la fois par les médias et tous les juristes en la matière, parce qu'elle est polie par l'usage et la jurisprudence.
Elle encadre une des premières libertés publiques, donc on ne doit la modifier qu'avec beaucoup de précaution. La liberté d'expression est un magasin de porcelaine, on ne peut pas y aller à la tronçonneuse. (...).
La seule véritable question, c'est le problème de la non coopération de certains GAFA (géants du Net, ndlr), lorsqu'on leur demande des données de connexion pour identifier les auteurs de messages".