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La Banque centrale européenne sera épiée jeudi sur son évaluation des risques pesant sur la croissance en zone euro, de la guerre commerciale à la dette italienne, sur fond de retrait attendu de son soutien à l'économie.
Sauf énorme surprise, la BCE devrait acter son scénario de durcissement monétaire dévoilé en juin. Il s'agit d'arrêter en fin d'année les rachats massifs de dette publique et privée, avant une première hausse de taux escomptée au plus tôt à l'été 2019.
Mais le président de la BCE Mario Draghi pourrait réveiller l'intérêt des observateurs à partir de 12H30 GMT. Sa traditionnelle conférence de presse promet de "prendre un tour légèrement contradictoire", estime Kristian Tödtmann, économiste chez Deka.
Car la conjoncture en zone euro montre des signes de refroidissement, après un deuxième trimestre en-deçà de l'excellent cru de la fin 2017.
En témoigne le recul mensuel de 0,8% en juillet de la production industrielle publié mercredi. Il augure d'un troisième trimestre plus faible et qui "accrédite l'idée d'une approche prudente de la politique de normalisation" par la BCE, selon Jack Allen, économiste chez Capital Economics.
D'autant que "les risques macroéconomiques sont extraordinairement élevés", puisque la crise monétaire des pays émergents et les craintes sur la dette italienne sont venues s'ajouter aux tensions commerciales, poursuit M. Tödtmann.
- Jugement pessimiste ? -
Côté commerce, sur fond de menaces respectives de droits de douane supplémentaires, Washington et l'Union Européenne négocient en vue d'un accord. Mais il reste loin de la coupe aux lèvres.
La crise des devises turque et argentine nourrit par ailleurs les craintes d'une contagion à d'autres pays émergents, qui pourrait nuire par ricochet aux pays exportateurs de la zone euro.
Enfin, les récentes promesses de responsables italiens de respecter les règles budgétaires européennes, après avoir promis aux électeurs un programme social très onéreux, n'apaisent guère les craintes de voir exploser la dette publique de la Péninsule.
L'horizon pourrait en revanche s'éclaircir côté Brexit. Un accord avec le Royaume-Uni sur son départ de l'Union européenne pourrait intervenir d'ici deux mois, a jugé lundi Michel Barnier, le négociateur en chef de l'UE.
Dans ce contexte, le Conseil des gouverneurs de la BCE pèsera ses mots à l'heure d'évaluer les risques pesant sur l'économie, qui étaient encore perçus fin juillet comme "globalement équilibrés".
Tout glissement des gardiens de l'euro vers un ton plus pessimiste pourrait secouer les marchés financiers et peser sur la monnaie unique.
Qu'elle durcisse ou pas son discours, la BCE présentera de toutes façons un nouveau jeu de prévisions à l'horizon 2020, toujours très suivi.
- Fin du "QE" -
"De légères révisions à la baisse sont possibles. Mais la dynamique de croissance se stabilise à un niveau décent et les salaires s'accélèrent, de quoi convaincre la BCE qu'elle va atteindre son objectif d'inflation" proche de 2% l'an, juge M. Valli.
Le taux de chômage campe toutefois depuis mai à 8,2% pour l'ensemble de la zone euro, ce qui n'augure pas de pressions supplémentaires à venir sur les salaires.
Concernant sa seule politique monétaire, la BCE "devrait rester en pilotage automatique", avance Carsten Brzeski, économiste chez ING Diba.
La décision formelle devrait être prise jeudi à Francfort de ramener à compter d'octobre de 30 à 15 milliards d'euros par mois les rachats nets de dette sur le marché, lancés en 2015 pour favoriser l'emprunt, soutenir la croissance et in fine l'inflation.
Mais un petit suspense demeure sur l'arrêt à la fin de l'année de ce programme baptisé "QE" ("quantitative easing"), qui dépendra des prochaines données économiques.
Le secteur financier guettera enfin toute indication sur le réinvestissement des titres figurant déjà au bilan de la BCE, dont le stock est monté à plus de 2.500 milliards d'euros depuis 2015.