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Les zones basses émissions (LEZ) sont-elles vraiment efficaces ?

Depuis plusieurs années, la Belgique, à l’instar de nombreuses villes européennes, a mis en place des zones de basses émissions dans le but de réduire la pollution de l'air et d'améliorer la qualité de vie en milieu urbain. Quel est leur impact réel sur la qualité de l'air ?

Les zones de basses émissions (LEZ pour Low Emission Zone) sont des zones géographiques dans lesquelles l'accès est interdit aux véhicules les plus polluants. Seuls les véhicules répondant à certaines normes d'émission sont autorisés à circuler dans ces zones. Ainsi, les zones de basses émissions utilisent la norme Euro, soit une norme environnementale établie par l'Union européenne, qui classifie les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes, selon leur année de fabrication et leur type de carburant. L'objectif principal de ces LEZ est de diminuer les émissions de polluants atmosphériques, en particulier le dioxyde d'azote (NO₂) et les particules fines, qui sont particulièrement nocifs pour la santé publique.

En Belgique, les principales zones à faibles émissions (LEZ) sont en vigueur à Bruxelles depuis le 1er janvier 2018, à Anvers depuis le 1er février 2017, et à Gand depuis le 1er janvier 2020. En revanche, la Wallonie ne prévoit pas de mettre en place des zones de basses émissions comme à Bruxelles ou en Flandre. Le gouvernement wallon a décidé de ne pas instaurer de LEZ, mais de mettre en œuvre d'autres mesures pour réduire la pollution automobile : réduction de la vitesse, extension des zones piétonnes, maîtrise du flux de poids lourds aux heures de pointe, amélioration de l'offre de transports en commun, végétalisation de zones...

Les critères dépendent de la norme Euro à laquelle appartient le véhicule, liée à son année de mise en circulation et à son type de carburant (diesel, essence, etc.). Les véhicules plus récents, conformes aux normes Euro 5 ou 6, sont généralement autorisés, tandis que les véhicules plus anciens (Euro 0 à 4, selon les villes) peuvent se voir refuser l'accès.

Si un véhicule non conforme entre dans une LEZ, son propriétaire risque une amende. À Bruxelles, par exemple, cette amende s'élève à 350 euros. Les autorités utilisent des systèmes de caméras pour surveiller les entrées et sorties des véhicules dans les LEZ. Ces caméras lisent les plaques d'immatriculation et vérifient automatiquement la conformité des véhicules par rapport aux normes d'émission requises.

Si un véhicule n'est pas admis dans une zone de basse émission, plusieurs options existent néanmoins. Dans les villes de Gand, Anvers et Bruxelles, un pass journalier à 35 € permet de circuler jusqu'à 8 jours par an. À Gand et à Anvers, il est également possible d'obtenir un permis temporaire pour circuler. En outre, certaines dérogations existent, notamment pour les personnes en situation de handicap, les véhicules spéciaux, ou encore les véhicules "oldtimers" ayant plus de 30 ans.

30% dioxyde d'azote en moins

Les résultats d’une étude menée par les Mutualités Libres (Partenamut, Helan et Freie Krankenkasse) montrent une diminution significative des niveaux de pollution de l'air dans les villes de Bruxelles, Anvers et Gand, qui ont mis en place des Zones de Basse Émission (LEZ). Pour ce faire, l'étude a comparé les niveaux de pollution atmosphérique de ces trois villes avec ceux de 17 autres villes belges dépourvues de LEZ.

"Grâce à la LEZ, Anvers et Bruxelles constatent une diminution plus importante de la pollution de l'air, à savoir la suie, le dioxyde d'azote et les particules fines, que dans les 17 villes témoins sans LEZ", explique Christian Horemans, expert en environnement et santé aux Mutualités Libres. La LEZ de Gand étant relativement récente et ayant été mise en place pendant une année marquée par la pandémie de COVID-19, il est encore trop tôt pour disposer de données fiables. "Ces résultats confirment un rapport précédent de Bruxelles Environnement qui avait montré que les niveaux de NO₂ ont diminué d’un pourcentage record de 30 % le long des principaux axes routiers de Bruxelles depuis 2018", ajoute l'expert.

À Bruxelles, les quartiers les plus défavorisés, soit les plus touchés par la pollution atmosphérique, ont bénéficié de "réductions plus marquées de certains polluants", notamment le carbone noir (suie) et le dioxyde d’azote, grâce à l’introduction de la LEZ.

Si les LEZ améliorent la qualité de l'air dans les zones concernées, y a-t-il un risque de voir la pollution se déplacer vers les périphéries ? "C'est moins le cas dans une zone de basses émissions, c'est-à-dire une agglomération où l'on interdit progressivement les véhicules polluants," affirme Philippe Maetz, collaborateur scientifique à la Cellule Interrégionale de l’Environnement "Celine". "Ici, la mesure concerne le trafic entrant dans la ville, ce qui limite le risque de report de la pollution sur les zones périphériques, puisque le trafic ne va pas tourner autour. Déplacer la pollution de l'air est donc moins probable."

L'expert de la Cellule Interrégionale pour l’Environnement distingue ici les LEZ des mesures plus localisées où la pollution a été déplacée vers les boulevards voisins. "Par exemple, à Paris, lorsque les voies sur berge le long de la Seine sont devenues piétonnes, le trafic s'est reporté sur les boulevards voisins, entraînant une augmentation des niveaux de pollution dans ces zones. Mais ici, on ne parle pas de zone de basses émissions, mais d'un axe en plein centre où l'on avait interdit la circulation. Comme lors d'une déviation pour travaux, la circulation avait simplement été déplacée vers une route adjacente", précise-t-il.

L'impact de la pollution de l'air sur la santé

D'après l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), une mauvaise qualité de l'air présente divers risques pour la santé, notamment des affections respiratoires, des maladies cardiovasculaires, ainsi qu'un risque accru d'accidents vasculaires cérébraux (AVC), de maladies cardiaques et de cancer du poumon, surtout chez les personnes vulnérables. En 2020, la pollution de l'air en Belgique a entraîné 5 530 décès prématurés, selon l'Agence Européenne de l’Environnement.

Dans une autre étude, les Mutualités Libres, en collaboration avec la KU Leuven, mettent en lumière l'impact significatif de la pollution de l'air sur la santé physique et mentale, ainsi que sur les coûts pour la société. "Lors des pics de pollution atmosphérique, on constate une augmentation du nombre de personnes reconnues en incapacité de travail ou qui s'absentent du travail pendant de longues périodes en raison de troubles psychiques ou psychologiques", expose Christian Horemans. Selon cette étude, l'augmentation de la pollution de l'air entraîne également un nombre accru de consultations chez le médecin généraliste pour les personnes souffrant de dépression ou d'hypertension. "Plus la concentration de particules dans l'air est faible, moins les gens consultent le médecin", ajoute l'expert en environnement et santé aux Mutualités Libres.

Avec l'évolution des véhicules et le renouvellement du parc automobile, les choses s'améliorent progressivement. Mais ce n'est pas suffisant pour atteindre les 20 microgrammes de dioxyde d'azote par mètre cube en 2030

Aujourd'hui, la valeur limite européenne s'élève à 40 microgrammes de dioxyde d'azote par mètre cube en moyenne annuelle. "C'est un seuil qui est actuellement respecté dans toutes les stations de mesure à Bruxelles", précise Philippe Maetz. Cependant, la prochaine directive européenne vise à abaisser ce seuil à 20 microgrammes d'ici 2030, bien que l'OMS recommande un seuil encore plus bas de 10 microgrammes. "Avec l'évolution des véhicules et le renouvellement du parc automobile, les choses s'améliorent progressivement. Mais ce n'est pas suffisant pour respecter les 20 microgrammes en 2030", pointe le chercheur qui estime néanmoins que "la zone à faibles émissions, telle qu'elle est prévue avec ses futures étapes, est importante." À long terme, l'Europe envisage de suivre la recommandation de l'OMS et prévoit d'atteindre un niveau de 10 microgrammes par mètre cube d'ici 2050.

De nombreux pays européens mettent en place des mesures pour réguler la circulation des véhicules en fonction de leur niveau de pollution. À Amsterdam, seuls les véhicules diesel répondant à la norme Euro 4 sont autorisés. En France, des villes comme Paris, Strasbourg et Lyon exigent une vignette Crit'Air, dont la couleur indique le niveau de pollution du véhicule. En Allemagne, des villes telles que Berlin et Munich imposent également des vignettes écologiques pour circuler dans les zones à faibles émissions.

Cependant, certains pays comme le Luxembourg, Chypre, l'Estonie, la Croatie et la Slovénie ne disposent pas de zones environnementales. En Suède, à Stockholm, à partir du 1er janvier 2025, seuls les véhicules conformes à la norme Euro 6 (produits à partir de 2014) seront autorisés à circuler.

 

 

 

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