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Frédéric Daerden plaide pour une "métropole wallonne": la fusion des communes, bonne ou mauvaise idée?

581. C'est le nombre de communes qu'il y a en Belgique à l'heure d'écrire ces lignes. Pourtant, ce nombre va changer. La raison est simple: certaines d'entre elles vont fusionner. Comment ça fonctionne? Pourquoi les Flamands fusionnent à foison alors que les Wallons sont plus frileux? Quels sont les avantages et les inconvénients?

"Une belle grande métropole wallonne." C'est ce que Frédéric Daerden, actuel bourgmestre d'Herstal, propose de mettre en place. Comment? En fusionnant sa commune avec celles de Liège et de Seraing, explique-t-il à notre micro lors des 48 heures des bourgmestres. Si pour la cité ardente rien n'est fait, les communes de Bastogne et Bertogne, pour ne citer que l'exemple wallon, n'en formeront plus qu'une en décembre prochain.

Un peu d'histoire…

L'idée de rassembler plusieurs communes existantes pour n'en former qu'une n'a rien de neuf, avance le politologue Pascal Delwit: "Jusqu'en 1976, il y avait environ 2.400 communes en Belgique. Puis, il y a eu un gros processus de fusion parce que la réalité avait évolué."

Ainsi, le 1er janvier 1977, notre pays ne compte plus que 596 communes du jour au lendemain. Les changements s'opèrent en Flandre et en Wallonie, les 19 communes de Bruxelles ayant décidé de se maintenir. Après cette date, la Belgique a encore connu des fusions, mais uniquement en Flandre cette fois. Nous y reviendrons.

Comment ça fonctionne?

Les fusions se déroulent sur base volontaire. Les communes négocient entre elles avant d'en référer à la Région. "De manière générale, les gouvernements régionaux (pas uniquement en Belgique, on peut aussi citer le cas de la France) souhaitent des processus de fusion. C'est ce qui explique la mise en place d'incitants financiers", précise Pascal Delwit.

Les incitants financiers dont parle notre interlocuteur ont notamment été mis en place en Flandre dès 2016: certaines taxes communales sont abaissées en cas de fusion et il y a un allégement de la dette à hauteur de 500€ par habitant.

La Wallonie a imité les voisins du nord du pays en 2019 en proposant "une reprise de dettes des entités (NDLR: fusionnée) avec un montant de 500€ maximum par habitant avec un plafond de 20 millions d'euros", peut-on lire sur Wallonie.be.

À Bruxelles, en revanche, la situation reste au statu quo. Le débat concernant les fusions a souvent été mis sur la table, entre autres par les partis flamands qui sont favorables, mais rien n'a été fait.

Pourquoi c'est intéressant de fusionner des communes?

Pascal Delwit avance les arguments en faveur de la fusion des communes:

  • Cela permet un gain d'efficacité dans le travail de l'administration publique.
  • Cela engendre un gain économique.

Développons. Il y a d'une part une économie d'échelle rendue possible par la fusion de certains services et d'autre part les incitants financiers abordés plus haut. Voilà pour l'aspect économique. Mais il n'y a pas que ça.

"Une commune plus importante à plus de possibilités d'investir, d'engager du personnel expert dans certains domaines, d'avoir des réflexions de manière intégrée…", le politologue décrit une série de cas dans lesquels la fusion de communes rend le travail de ces dernières plus efficace. Elles ont plus de poids et sont alors des "acteurs économiques et sociaux à parts entières".

Selon l'expert, le fait de travailler sur un territoire plus grand faciliterait la chose pour les enjeux liés à la mobilité, l'environnement ou encore l'urbanisme.

Pas uniquement des avantages

Si tous les voyants étaient au vert, le nombre de communes belges serait encore bien plus réduit. Pascal Delwit avance cette fois les "inconvénients" aux fusions:

  • Il y a une dimension émotionnelle qui entre en ligne de compte.
  • Cela provoque une crainte de l'éloignement des services.

"Une fusion entraîne la diminution du personnel politique. Il y a donc moins de possibilités de rencontrer les mandataires locaux. Il y a une crainte de l'éloignement des services puisqu'il n'y a plus qu'une maison communale, même si cet éloignement a déjà eu lieu avec certains services en ligne. Il y a aussi une dimension d'attachement, d'appartenance à la commune", précise notre interlocuteur.

Le spécialiste pointe aussi un obstacle à certaines fusions: les couleurs politiques. "Certaines fusions qui sembleraient naturelles sont parfois rendues compliquées par des bourgmestres qui ne partagent pas les mêmes idées." Il ajoute que cet aspect peut avoir l'effet inverse: "Des communes qui sont du même bord politique fusionnent pour confirmer une domination."

Notons aussi que les communes qui sont dans différentes régions ne peuvent pas se regrouper.

Pourquoi en Flandre plus qu'en Wallonie?

Historiquement, les communes du nord du pays se sont plus rassemblées que celles du sud. La fusion Bastogne - Bertogne à venir est la première en Wallonie depuis… 1977. Pendant ce temps, les Flamands sont passés de 308 à 300 communes en 2018 et prévoient encore la fusion de 28 communes dès 2025.

Cela s'explique d'abord par la volonté du gouvernement flamand de rendre ces fusions possibles. Avec, entre autres, les incitants financiers que nous évoquions plus haut lancés en 2016.

Mais il y aussi un aspect démographique, avance Pascal Delwit: "La Flandre est plus petite et plus peuplée", dit-il. Dès lors, certaines fusions apparaissent comme évidentes puisqu'elles permettent directement aux communes concernées d'atteindre une certaine taille qui est intéressante pour elles.

Ajoutons que selon le politologue, la Wallonie devrait emboîter le pas et tenter d'inciter d'autres communes à fusionner à l'avenir.

Les intercommunales, pas vraiment une alternative

Nous avons demandé à l'expert si les intercommunales ne représentaient pas une solution alternative pour atteindre certains objectifs sans forcément passer par la fusion. En d'autres termes, s'associer pour une matière précise, tout en gardant son indépendance.

Voici sa réponse: "Par hypothèse oui, mais il y a plusieurs problèmes. La qualité du contrôle démocratique d'une intercommunale est beaucoup plus faible que celui d'un conseil communal et pour certaines questions, cela affecterait la qualité des services."

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