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Parfois reléguées en deuxième ligne lors de la première vague de Covid-19, les cliniques privées sont désormais mieux intégrées dans la répartition des patients, comme dans les Yvelines, où des soignants rodés font face aux mêmes problèmes d'effectifs que dans le public.
Dans le calme trompeur d'une chambre de réanimation du Centre hospitalier privé de l'Europe, au Port-Marly (Yvelines), une infirmière s'affaire auprès d'un homme de 75 ans, intubé, sédaté et sous oxygène.
Son état est "stable, mais assez préoccupant", résume Gaëlle Carpentier, tout en déballant ses équipements sur un drap stérile: compresses, tubulures, embouts...
Comme tous les quatre jours, il faut changer les perfusions "du pousse-seringues au cathéter", explique la jeune soignante, qui du haut de ses 23 ans semble déjà aguerrie à la rudesse du Covid-19.
En poste depuis un an, elle dit avoir "énormément appris", au point même de "former du personnel qui n'avait jamais fait de réa", comme ces collègues venues en renfort d'autres cliniques du groupe Vivalto en Bretagne durant la première vague.
Mais cette fois-ci, la deuxième vague épidémique touche tout le pays et l'établissement ne peut compter que sur ses propres ressources.
Fin octobre, il a fallu "déprogrammer un tiers de l'activité des blocs opératoires, uniquement pour passer de 5 à 8 lits de réanimation", précise Caroline Hemery, 41 ans, cadre de santé du service.
Sachant qu'il faut en permanence trois infirmières, deux aides-soignantes et un médecin pour s'occuper de ces huit patients, il faut au moins 24 soignants dans l'équipe, calcule-t-elle. Si les plannings sont assurés pour novembre, "décembre reste encore incertain sur les effectifs de nuit", indique-t-elle.
Actuellement, tous les lits de réanimation sont occupés, dont quatre par des malades du Covid. Deux autres sont pris en charge dans l'unité de surveillance continue située au même étage.
Au total, "on a déclaré à l'agence régionale de santé une capacité de 7 patients" Covid, mais "comme lors de la première vague, on peut tout à fait déployer des moyens supplémentaires en déprogrammant un peu plus", assure-t-elle.
- "sur un pied d'égalité" -
"A un moment il y aura des limites", prévient Elisabeth Bidnic-Treyer, 53 ans, directrice de l'établissement, qui compte sur le reconfinement en vigueur depuis la semaine dernière pour "restreindre l'afflux de patients" afin de "tenir dans la durée, sous réserve qu'on ait le personnel".
Car "il y a de grosses tensions" sur les effectifs, reconnaît-elle, le virus n'épargnant pas les soignants, "y compris certains médecins", alors qu'un secteur de 20 lits d'hospitalisations doit être prochainement dédié au Covid - 5 malades sont déjà pris en charge en dehors de la réanimation.
Il faut pourtant trouver de la place pour les patients qui ne peuvent pas être accueillis ailleurs, notamment au centre hospitalier de Versailles. Heureusement, la coordination avec le secteur public "n'a pas trop connu de difficultés" dans le département.
Au printemps, déjà, "on avait plusieurs réunions chaque semaine, on a pu faire des transferts". Une organisation qu'il a suffi de "réactiver" et qui "fonctionne mieux" car "chacun a joué le jeu beaucoup plus tôt", affirme-t-elle.
"Pendant la première vague, c'est quand les hôpitaux ont été submergés que les cliniques sont venues prendre le relais. Là, dès le début on a dit +tout le monde participe+ et ça change tout, puisque chacun prend sa part", ajoute-t-elle.
"On nous a mis sur un pied d'égalité", confirme Daniel Caille, patron du groupe Vivalto, dont les 41 cliniques accueillent à ce jour environ 500 malades du Covid, dont une trentaine en réanimation.
La situation actuelle est cependant "plus complexe à gérer", car il faut "continuer à traiter tous les patients qui ont un risque de perte de chance", même si "on n'a pas les ressources qu'on avait" pendant la première vague.
Au Port-Marly, cela se traduit par des gardes supplémentaires pour la jeune infirmière Gaëlle Carpentier, qui s'est "rajouté 36 heures, soit trois jours de plus ce mois-ci", malgré le contexte "un peu démoralisant" du reconfinement "pas vraiment respecté".
"C'est mon métier, donc je vais soigner", lance-t-elle, "mais qu'on ne s'étonne pas si la deuxième vague dure plus longtemps que la première".