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Chine: la guerre du vin avec l'Australie fait saliver la concurrence

"Une chance": en imposant de lourdes sanctions antidumping au vin australien, Pékin rebat les cartes sur son juteux marché des alcools -- et les autres importateurs s'en frottent les mains.

Passée l'an dernier devant la France, l'Australie était devenue de loin le plus gros fournisseur de vin du géant asiatique. C'était aussi l'un des rares pays à y avoir vu ses ventes continuellement augmenter ces dernières années, profitant d'une exemption de droits de douane en 2019.

Jusqu'à ce que Pékin inflige le mois dernier des taxes antidumping au vin australien, qui doublent, voire triplent le prix des bouteilles.

Dans les rayons des supermarchés de la capitale chinoise, les crus du pays des kangourous ont déjà commencé à céder du terrain, eux qui avaient pris la part du lion du marché local en bénéficiant d'une image de qualité et d'un prix attractif.

En valeur, sur 100 bouteilles de vin importées au premier semestre, 38 étaient australiennes, 26 françaises, 13 chiliennes, sept italiennes et six espagnoles.

Mais dans un contexte de fortes tensions diplomatiques, Pékin a accusé Canberra d'avoir pénalisé ses producteurs en vendant son vin à perte et à coups de subventions.

Si les sanctions chinoises sont une catastrophe pour les producteurs australiens, qui exportaient plus du tiers de leur vin vers la Chine, elles sont une bonne nouvelle pour les autres exportateurs... et aussi pour la production nationale.

"Les producteurs chinois devraient bénéficier des taxes" sur le vin australien, prévoit Matthew Reeves, spécialiste du secteur au cabinet d'études de marché IBISWorld.

La production nationale a représenté au premier semestre 4,5 milliards de yuans (560 millions d'euros), soit moins que les vins d'importation (680 M EUR).

Les producteurs de l'empire du Milieu ont souffert de conditions climatiques néfastes ces trois dernières années et de la concurrence des importateurs, particulièrement australiens, explique M. Reeves à l'AFP.

- Le malheur des uns... -

Mais "comme la production locale ne pourra pas répondre à la demande en termes de qualité, la France devrait bénéficier d'une hausse" de ses ventes, prévoit-il.

Les intéressés se veulent toutefois prudents.

"Difficile de savoir quelle sera l'évolution" du marché chinois, répond la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux français (FEVS), soulignant le caractère provisoire des surtaxes sur le vin australien, imposées dans un premier temps pour une période de quatre mois, éventuellement neuf.

D'autant que l'épidémie de coronavirus a perturbé l'ensemble du secteur, avec une baisse de 30% des importations totales au premier semestre.

Ces dernières années, les vins français ont été les grands perdants de l'offensive australienne, avec des ventes en baisse de 31% en 2019.

Les vins américains, pénalisés par la guerre commerciale entre Washington et Pékin, ont encore plus souffert (-46%) et ne représentent plus que... 1,3% du marché.

"Avec la nouvelle administration aux Etats-Unis, il pourrait y avoir de nouvelles chances pour les producteurs de ce pays", remarque M. Reeves.

- Le Chili en embuscade -

Mais c'est surtout le Chili qui pourrait tirer son épingle du jeu.

S'ils n'arrivent qu'en troisième position, "les vins chiliens sont les plus susceptibles à moyen terme" de remplacer les produits australiens, pronostique Tommy Keeling, de l'Institut de recherche sur les vins et spiritueux (IWSR) à Londres.

La Chine est déjà le pays qui consomme le plus de vin chilien (14,4% des volumes exportés), selon les données du Bureau d'études de politique agraire du ministère chilien de l'Agriculture.

"Les Chinois doivent s'approvisionner quelque part et le Chili entretient de très bonnes relations avec la Chine", souligne Jorge Matthei, conseiller auprès d'entreprises chinoises importatrices de vin chilien.

Les surtaxes sur le vin australien ont été "une bouée de sauvetage" pour les producteurs chiliens pénalisés par la pandémie, se félicite M. Matthei, évoquant des commandes de vin vers le géant asiatique en hausse de 37% ces six derniers mois.

Selon lui, "des hommes d'affaires chinois sont très intéressés par l'achat de vin et de vignobles au Chili".

Les malheurs du vin australien sont "une chance" mais aussi "un énorme défi" pour que les produits du Chili montent en gamme, observe Mariano Larrain, propriétaire d'une boutique de vins chiliens à Shanghai.

Le Chili "peut fournir des vins d'aussi bonne qualité" que ceux d'Australie "mais en aucun cas ils ne les remplaceront" car ces produits ne jouent pas dans la même catégorie, prédit-il.

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